«Samuel, mon père, est d’astreinte le mardi, le mercredi et le samedi. Pour ma part, j’assume le lundi, le jeudi et le vendredi. Le dimanche, nous intervenons à tour de rôle. » Résumée par Pierre Suisse, l’organisation du travail en vigueur au Gaec Murbruch, à Mertzwiller, dans le Bas-Rhin, place ces deux associés sur une orbite de trente-cinq heures hebdomadaires, hormis la période de fenaison. « Notre système privilégie la qualité de vie », complète l’éleveur, âgé de 27 ans.
Samuel l’a mis en place à partir de 1996. Cette année-là, il rachète la ferme avec les 70 ha attenants que son père louait jusque-là. Afin de se libérer du temps pour sa famille et ses engagements en dehors de l’agriculture, il vend ses allaitantes charolaises « qui ne ramenaient rien à part des heures de main-d’œuvre ». En revanche, il troque le pipeline pour une salle de traite 2 × 4 en épi, et double le nombre de ses laitières à cinquante têtes de façon à optimiser le lait. « Je n’ai pas les mêmes besoins de temps libre que mon père. Mais ce système me convient, analyse Pierre, titulaire d’un bac S et d’un BTS en production animale. On ne se perd pas dans des détails qui ne rapportent pas grand-chose. Et je peux m’occuper de mon fils de deux ans et demi. »
Aménagement de l’ancien
Les choix des éleveurs vont à contre-courant. « Nous nous sommes adaptés à l’existant », explique le jeune producteur. Si Samuel aménage la stabulation entravée pour y ajouter dix places et monter à 70 vaches, il ne la remplace pas. « L’ancien est moins flatteur que le neuf. Mais cela nous rémunère mieux et nous a permis de renouveler nos tracteurs. Un nouveau bâtiment, c’est un investissement qui se paye pendant vingt ans. Il ne se justifie guère ici, dans la mesure où les vaches en production sont dehors sept, voire huit mois sur douze. Les taries et les génisses de plus d’un an ne rentrent pas de l’année. Vingt centimètres de neige ne les dérangent pas », ajoute-t-il. Les terres autour de la ferme sont filtrantes, portantes, mais pauvres. Cette caractéristique a incité Samuel à abandonner les quelques céréales cultivées jadis pour mettre toute la surface en herbe. C’est devenu la force de l’élevage.
« Les animaux sont seulement complémentés par un VL 2,5 l distribué avec un maximum de 6 kg en début de lactation. Nous n’avons aucune culture à gérer. Notre parc de matériels se limite à deux tracteurs de 115 ch, une tonne à lisier et aux outils de fenaison : une faucheuse-conditionneuse, deux faneuses, deux andaineurs, une presse et deux remorques plateaux. Cela fait des charges en moins et nous autorise à changer plus facilement une machine en cas de besoin. »
Depuis son retour sur la ferme en 2015 comme salarié et son installation en 2017, l’agriculteur s’attache à optimiser le pâturage. En 2019, il a sorti le troupeau dès le 13 mars pour un déprimage chargé de stimuler la pousse. « J’ai gagné en volume d’herbe. Cela fait du fourrage en moins à acheter », se réjouit-il. Il a divisé la surface attenante à la ferme en sept parcs au lieu de trois de manière à réaliser des rotations rapides pour que les vaches consomment l’herbe de manière dynamique. Pour sécuriser un rendement menacé par des sécheresses à répétition, il apporte dorénavant de l’engrais sur les parcelles de fauche en fermage éloignées de l’exploitation.
holstein x montbéliarde x rouge scandinave
En 2012, le Gaec Murbruch a démarré le croisement trois voies, holstein x montbéliarde x rouge scandinave. « Un taureau viande permet ensuite de vendre des veaux femelles à 200 euros. Les mâles peuvent atteindre 400 euros. Mais l’objectif premier est de gagner en mixité, en rusticité, ainsi qu’en santé du troupeau », détaille Pierre, qui utilise de la semence sexée depuis trois ans.
« Plus jeune, j’aidais sur la ferme, mais je ne me passionnais pas plus que ça pour l’élevage. Maintenant que j’ai les pieds dedans, c’est différent. Nous pourrions nous diversifier en rajoutant un atelier mais si c’est juste pour avoir plus d’investissement et de travail, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Si nous sécurisons la moyenne du troupeau à quelque 7 000 l pour en livrer 500 000 en laiterie, cela nous va très bien ! » Henri Roy