Ici, ceux que l’on croise ont le sourire aux lèvres. Au Gaec de Rublé, à Saint-Colomban en Loire-Atlantique, ils sont onze en tout : les quatre associés, Colette et Régis Boileau, les parents, Benjamin et Martin, leurs fils, auxquels s’ajoutent sept salariés, dont un autre fils, Jérémy, et la femme de Benjamin. Puis des chiens, des chats, une douzaine de cochons, deux chèvres, un troupeau de laitières et un autre de limousines.

Parmi les ateliers du Gaec, en plus de la viande et des produits laitiers, figure aussi le maraîchage avec une quarantaine de légumes cultivés au fil des saisons. Quant aux quarante cochons produits par an, ils permettent avant tout de valoriser les sous-produits, le sérum et le lait ribot, ainsi que les légumes non vendables. Toute l’exploitation est en bio. Le cheminement vers ce mode de production s’est fait par étapes. Alors que Colette et Régis s’étaient installés en 1982 en conventionnel, la sécheresse de 1990 a mis à mal la ferme. Le choix a ensuite été fait de revenir à l’herbe et de gagner en autonomie, puis de passer au bio en 1998.

Peu d’achats à l’extérieur

Le Gaec est aujourd’hui entièrement autonome. « Il fonctionne en circuit fermé, souligne Martin Boileau. Rien n’est acheté à l’extérieur, à part une partie des semences. C’est un écosystème de 220 hectares qui fait vivre onze personnes. » L’alimentation des vaches est basée sur l’herbe, principalement au pâturage, et sous forme de foin en hiver. Les laitières reçoivent en supplément des céréales toute l’année et des betteraves en hiver.

Les associés recherchent aussi le confort de travail. Benjamin Boileau, responsable de l’atelier lait, a ainsi décidé l’an dernier de passer à la monotraite. La production a baissé d’environ 25 %, mais associés et salariés y ont gagné en bien-être. « Avant, nous avions de grandes matinées et de petites après-midi. Maintenant, après la traite, qui a lieu à 5 heures 30 le matin afin d’obtenir le lait chaud pour la transformation, il y a une grande souplesse pour tous les travaux de l’exploitation. »

Les laitières sont croisées en trois voies, rouge norvégienne, jersiaise et normande. « Nous ne cherchons pas le volume à tout prix, mais la qualité du lait et la valorisation de l’herbe, souligne Martin Boileau. Les vaches doivent posséder de bons aplombs, parce qu’elles marchent jusqu’à 4 km/j pour aller aux champs. Et il faut qu’elles soient légères pour la portance des sols. »

Les limousines, qui sont venues compléter les autres ateliers lors de l’installation de Martin en 2010, donnent 45 vêlages par an. Elles permettent aussi de valoriser l’herbe des parcelles les plus pauvres. Toute la production de viande est vendue en direct, à l’exception de cinq ou six réformes par an qui passent par le circuit bio. Chaque mois, un veau et une vache ou un bœuf sont abattus pour être vendus.

Fermeture de l’abattoir de Challans

Jusqu’à récemment, Martin Boileau, responsable de cet atelier, emmenait ses animaux à l’abattoir de Challans, à une trentaine de kilomètres. « Je ne gagne pas d’argent en faisant le transport moi-même, mais c’est mieux pour les bêtes. » L’établissement vient de fermer et l’éleveur doit maintenant aller jusqu’à La Châtaigneraie, en Vendée, à près de 100 kilomètres. Une solution qui ne le satisfait pas du tout. Pour qu’il soit rentré à temps afin de préparer ses enfants pour l’école, il doit partir de l’exploitation vers 3 heures du matin. Afin de réduire le temps passé sur la route, l’abattage ne se réalise plus qu’une fois par mois, avec un animal adulte et un veau. « Toute la viande arrive en même temps au magasin, alors qu’auparavant, cela s’organisait tous les quinze jours avec un seul animal à la fois. »

La fermeture de cet abattoir a aussi stoppé le projet des éleveurs d’instaurer un système d’abattage à la ferme. Les animaux auraient ensuite été emportés par caisson jusqu’à l’atelier de découpe. « En outre, cette formule permettait aux bêtes accidentées d’être tuées en urgence. Tandis qu’aujourd’hui, les abattoirs les refusent. Ils sont désormais euthanasiés sur l’exploitation et envoyés à l’équarrissage », argumente Martin Boileau, loin d’être résigné. Lui et les autres éleveurs n’ont sans doute pas dit leur dernier mot…

Myriam Guillemaud