Lorsque la coopérative Unéal a proposé aux éleveurs de la région de créer des unités de microméthanisation, Jean-Paul Decherf et sa famille ont été parmi les premiers à s’y intéresser. « L’avantage de cette installation est de ne fonctionner qu’avec le lisier de l’exploitation et d’être à taille humaine avec un montant d’investissement raisonnable », souligne l’agriculteur de Comines, dans le Nord, associé de l’EARL du Hel. L’exploitation a investi dans une unité de production de biogaz de 33 kW, pour valoriser le lisier de ses cent quarante vaches laitières. Celle-ci fonctionne depuis février 2018.

Le lait constitue l’une des deux activités principales de l’EARL, avec les pommes de terre. Pour faciliter le retour sur la ferme de Mickaël, Nicolas et Alexandre, leurs trois enfants, Jean-Paul et Martine Decherf ont investi dans ces deux productions. Toujours sous contrat avec des industriels, Danone en lait et McCain en pommes de terre, par exemple. Ils se sont diversifiés en produisant des carottes, pour le groupe belge Pinguin notamment.

Par ailleurs, les exploitants ont développé une activité d’entrepreneur de travaux agricoles, avec des prestations comme l’arrachage des pommes de terre ou le déneigement de l’agglomération lilloise.

Uniquement du lisier

« Entreprendre dans le biogaz est un parcours du combattant, témoigne Jean-Paul Decherf. Entre le moment où nous avons décidé d’investir et le démarrage de la production, trois années se sont déroulées. Sans l’appui d’Unéal sur le plan technique et administratif, nous aurions eu du mal à nous lancer. » Contrairement aux grosses unités de production de biogaz, la microméthanisation repose sur un procédé simple, en phase liquide uniquement. C’est pourquoi les déchets de pommes de terre ne peuvent pas être introduits dans le méthaniseur.

« Les vaches laitières sont conduites en stabulation sur caillebottis. Nous recueillons, dans une fosse, 12 m3 de lisier frais par jour, à l’aide d’un racleur. Il est injecté trois fois par jour dans le méthaniseur », explique Mickaël, responsable de cet atelier au sein de l’EARL. Le lisier est alors transformé en 144 000 m3 de biométhane par an. Le biogaz alimente deux moteurs de cogénération compacts, installés à côté du digesteur, dans un bâtiment léger type Algeco. Ces moteurs disposent d’une puissance de 11 kW et 22 kW.

« L’installationproduit 264 000 kWh d’électricité par an, qui est revendue à Enedis, ce qui correspond aux besoins en électricité de cinquante-cinq foyers, précise le jeune agriculteur. Elle fournit également 337 424 kWh de chaleur pour la maison et les bâtiments de l’exploitation. »

La microméthanisation présente aussi des avantages sur le plan environnemental. « Elle a la particularité de désodoriser l’atelier des vaches laitières, en neutralisant les émissions d’ammoniac, de méthane et de CO2, détaille Mickaël. La matière première est sur place et ne nécessite aucun transport. En plus du biogaz, l’atelier fournit un digestat liquide, qui contient les mêmes éléments fertilisants NPK que le lisier auparavant. » Les 4 400 m3 de digestat produits annuellement vont être épandus sur les parcelles de l’exploitation. Enfin, selon les techniciens, une unité de cette taille permet d’éviter le rejet de 54 tonnes de CO2 par an.

20 000 € de revenu net

L’unité de microméthanisation a nécessité un investissement de 237 000 €, sachant que les membres de l’EARL du Hel ont effectué une partie des travaux eux-mêmes, notamment pour la réalisation des dalles bétonnées. Ils ont bénéficié d’une aide de la Région de 15 % du montant de l’investissement. L’unité génère un chiffre d’affaires annuel de 60 000 €, grâce à un prix du kWh de 0,22 €, garanti sur vingt ans. Avec un amortissement et des frais financiers sur quatorze ans de 19 000 € et des charges annuelles estimées à 21 000 €, l’installation doit apporter aux éleveurs un revenu complémentaire net de 20 000 € par an. « De plus, nous avons la satisfaction de produire de l’énergie, ajoute Jean-Paul Decherf. Elle est certes revendue à Enedis, mais c’est comme si nous étions autonomes. »

Blandine Cailliez