Il est incollable sur les différents modèles de voitures sans permis. Rien d’étonnant pour Florian Bourdeloup : à trente-deux ans, l’agriculteur a fait le choix de la pluriactivité. Il y a neuf mois, il est devenu gérant d’une concession automobile.

Cette décision est le fruit d’une longue réflexion. Son diplôme d’ingénieur agricole en poche, Florian revient en 2011 sur la ferme familiale à Boncé, au sud de Chartres (Eure-et-Loir). Son père, qui part à la retraite, exploite alors 98 hectares de grandes cultures, sans irrigation. Bien que les limons profonds offrent des rendements corrects, la fluctuation des revenus est inconfortable. « Nous avons un parcellaire groupé et nous partageons le matériel avec des voisins, explique l’agriculteur. Nous avons tout ce qu’il faut pour un mi-temps. Mais il est difficile d’assurer un salaire régulier. Au regard des trois dernières années et des cours des céréales bas, je ne regrette pas mon choix. »

Dès son installation, Florian devient double actif et travaille comme conseiller bancaire. En 2016, il quitte la banque et se consacre à l’exploitation. Il réfléchit d’abord à l’agrandissement, mais il ne trouve pas d’opportunité. « Ici, le prix des terres n’est pas corrélé à une logique économique », affirme-t-il. Il envisage aussi de devenir agriculteur dans un autre secteur. Mais son bassin de vie et ses attaches sont à Boncé : sa famille y exploite des terres depuis trois cents ans ! Florian étudie des pistes pour se diversifier, comme la production de légumes distribués dans des casiers automatiques. L’irrigation aurait alors été indispensable et des problèmes de dos l’empêchent d’envisager sérieusement cette solution. Une dernière option s’offre au jeune beauceron : entreprendre dans un autre domaine que l’agriculture.

Patron de sept salariés

Après un an sur la ferme à temps plein, « à regarder le cours des céréales trois fois par jour et à déprimer », le jeune homme étudie la reprise d’une trentaine d’entreprises autour de Chartres. « Ce n’était pas simple, car il fallait un métier qui ne demande pas une technicité particulière, une entreprise assez développée, mais pas trop chère à reprendre », explique-t-il.

En septembre 2017, il devient gérant du garage Espace Auto, concessionnaire de la marque Aixam. « Un secteur d’avenir avec la limitation à 80 km/h ! », plaisante Florian, qui aime le côté « décalé » de cette activité. Après trois mois de tuilage avec l’ancien patron, le céréalier se retrouve seul à la tête de l’entreprise de sept salariés. Il est le plus jeune et n’a aucune expérience managériale. « En plus du travail de stratégie, je fais tout ce que les autres salariés ne font pas : magasinier, community manager, “éconducteur” de clients indélicats ! Bref, je découvre, raconte-t-il. J’ai la chance de faire évoluer ma PME comme je l’entends. ◦En comparaison avec l’agriculture, les résultats des actions sont immédiats. »

Florian s’est organisé pour consacrer du temps à son exploitation. De mars à mai, il se lève tôt pour aller traiter. Il arrive à la concession à 8 heures. À 19 heures, il ferme ses portes et remonte sur son tracteur si besoin. Pour cette première année, un voisin a effectué les semis et l’exploitant a passé un accord avec un conseiller technique pour la surveillance de ses parcelles.

« J’estime que l’agriculture a encore un avenir. Nourrir les gens reste une cause noble, souligne-t-il. Sans terre, je me sentirais démuni. Et mon père, que je remercie, serait affecté si je cessais l’activité agricole. Car comme beaucoup d’agriculteurs retraités, il continue à s’intéresser aux cultures. Néanmoins, je me suis fixé une limite de rentabilité. Si je passe en dessous, je vendrai la ferme. »

Le jeune patron ne compte pas sur les recettes de la ferme, trop aléatoires, pour vivre. Il s’octroie une rémunération de 1 500 euros par mois grâce aux voitures sans permis et est satisfait d’avoir un revenu fixe. Les bénéfices de l’exploitation agricole couvrent les échéances d’emprunt – 30 000 euros par an – et éventuellement quelques investissements dans le matériel. « Aujourd’hui, je ne regarde les cours des céréales qu’une fois par semaine. C’est moins anxiogène », conclut Florian, épanoui dans ses deux activités.