ÀLupcourt (Meurthe-et-Moselle), au sud de Nancy, Pierre-Yves Simonin élève des limousines sous signe de qualité. « L’intérêt du label Blason Prestige est double, affirme-t-il. Il permet de proposer une viande de proximité et il implique une transparence à tous les niveaux de la filière, avec une alimentation qui doit être agréée, de même que l’abatteur. Ce qui garantit une traçabilité complète. Le cahier des charges est strict, mais assez facile à mettre en œuvre. »
Sur l’exploitation, une cinquantaine de génisses et vaches partent tous les ans avec ce label, créé pour valoriser la viande des femelles limousines. « Économiquement, c’est très intéressant, avec une plus-value pour les génisses qui varie entre 0,40 et 0,70 €/kg, ce qui permet d’atténuer les variations du prix de base, souligne l’éleveur. Surtout depuis un an, avec un effondrement des cours, lié à une offre abondante en vaches allaitantes, qui fait diminuer notre marge d’environ 160 € par animal… En outre, l’atelier viande me permet de valoriser des prairies qui ne sont pas drainables et mécanisables, et d’occuper toute l’année un salarié, ce qui ne serait pas possible avec les cultures seules. »
L’engagement de l’exploitation dans cette filière remonte à 1995. À l’époque, Hervé Simonin, le père de Pierre-Yves, achète ses premiers animaux limousins, après un épisode de brucellose l’obligeant à renouveler la quasi-totalité du cheptel. Il s’engage dans le Blason Prestige et contribue à son développement dans la région. En 2009, à trente-deux ans, Pierre-Yves reprend les rênes de la structure familiale, après un parcours atypique. Ingénieur généraliste, il a travaillé pendant huit ans en région parisienne, chez Airbus (EADS). Désireux de fonder une famille loin du stress de la vie citadine, il obtient un BTS agricole, après avoir suivi des cours par correspondance. Installé, il remet à plat le fonctionnement de l’exploitation, qui prend la forme d’une SCEA. « J’ai mis en place un système le plus simple et le plus efficace possible, précise l’agriculteur, papa de deux jeunes enfants. Pour les cultures, j’ai investi dans un gros déchaumeur et dans un outil pour semis direct. L’hiver, toute la distribution de l’alimentation se fait au godet, ce qui prend deux heures et demie chaque jour. » Pierre-Yves a conservé l’engagement dans le Blason Prestige, car le système fonctionne bien et dégage une marge correcte : « Je ne vise pas forcément l’optimum économique. Sinon, toutes les surfaces seraient en céréales. Il faut aussi prendre en compte les contraintes structurelles et fonctionnelles. »
Une « compta matières »
La SCEA dispose d’un deuxième site, distant de 80 km, à Bure (1) dans la Meuse. Un bâtiment de 650 m² avec aire paillée y a été construit en 2002. C’est sur les prairies meusiennes que les animaux passent l’été, avant de rentrer à Lupcourt pour l’hiver. Une bétaillère de dix-huit places assure le transport des bêtes adultes, à raison desix rotations deux fois par an. Les veaux sont ramenés en van. Les vêlages ont lieu en septembre-octobre, ce qui oblige à une surveillance tous les deux jours, même si la limousine vêle facilement. « Le sevrage se fait aussi là-bas, précise Pierre-Yves. Car même dans la petite commune rurale de Lupcourt, les voisins supportaient mal le beuglement des animaux. »
Pour la reproduction, la monte naturelle a toujours été pratiquée, avec cinq taureaux inscrits au herd-book limousin. Côté alimentation, le label Blason Prestige implique que les animaux soient nourris les six derniers mois avec un aliment agréé. L’agriculteur l’achète 260 €/t chez le fabricant régional, Lorial. C’est un poste de charge important, mais incompressible. « Il faut aussi tenir une “comptabilité matières”, puisque toutes les bêtes ne partent pas dans la filière labellisée », précise-t-il. Le maïs est interdit par le cahier des charges du label. L’Apal (2), dont l’élevage est adhérent, effectue une fois par an un contrôle des bonnes pratiques.
Une soixantaine de broutards sont également engraissés par an. Ils sont vendus à l’âge de six-sept mois, au poids de 320 à 350 kg, à 950 € par bête en moyenne. Les femelles Blason Prestige sont achetées par Bigard. Grâce aux plus-values versées en fonction du type de bêtes, génisse, vache de plus ou moins 450 kg, Pierre-Yves estime gagner 240 € de plus par génisse et 200 € par vache, pour le même nombre d’heures de travail qu’en circuit classique.
(1) Commune où l’État veut installer un site d’enfouissement de déchets radioactifs.
(2) Association pour la production animale de l’Est, organisation de producteurs.