«Depuis 2015, nous sommes soulagés ! Cette année-là, nous avons enfin fini d’apurer notre plan de redressement. C’était notre priorité. Maintenant, nous pouvons à nouveau faire des projets pour développer notre récente production de viande en vente directe », racontent Robert et Christelle Puech, associés dans la SCEA des Coulagues, à Lacombe dans l’Aude.
En 1993, lorsque Robert a repris l’exploitation de son grand-père, il s’est spécialisé dans le lait. Mais avec une surface de 50 ha pour 40 prim’holsteins, il fallait acheter tout le concentré. Avec la ferme, Robert a aussi repris des dettes. Faute d’attributions suffisantes, son quota n’est monté qu’à 106 000 l, bien loin des 260 000 l envisagés dans son étude prévisionnelle d’installation.
Dépôt de bilan en 1998
« Nous avons peu à peu accumulé les emprunts courts termes, et nous avons fini par ne plus pouvoir payer nos annuités. En septembre 1998, nous avons décidé de déposer le bilan avant d’être en cessation de paiement », raconte Christelle. Robert a obtenu la possibilité d’étaler le paiement de ses dettes sur quinze ans. De 2000 à 2015, il a réussi à rembourser 10 000 € par an. « Mais fonctionner sans trésorerie ni autorisation de découvert n’était pas facile. Le moindre décalage de paiement des primes nous mettait en difficulté », se souvient Christelle. Après la canicule de 2003, la situation financière s’est à nouveau dégradée. Pour faire vivre leurs trois enfants, Robert et Christelle ont dû trouver du travail à l’extérieur, tout en continuant à faire tourner l’exploitation.
« En 2007, nous avons remis en question notre façon de travailler. Nous avons abandonné le lait pour la viande, en optant pour un système extensif de façon à avoir plus de marge de manœuvre au niveau fourrager », explique Robert. Ils ont alors vendu les laitières et racheté quinze gasconnes ainsi qu’un taureau. Le maïs et le ray-grass ont été remplacés par des prairies. Les coûts ont baissé, mais les rentrées d’argent aussi.
Changement de cap
« Nous avons commencé par vendre des broutards. Les femelles étaient mal valorisées. En 2015, alors que nous venions d’en faire partir à moins de 500 € par tête, je me suis dit que ce n’était plus possible ! J’ai trouvé un atelier de découpe qui faisait de la prestation à Mazamet, à 25 km de là, et nous avons démarré la vente directe », raconte Christelle.
L’équilibre économique s’est amélioré, et en 2017, Robert a quitté son emploi pour se concentrer sur la ferme. Aujourd’hui, tous les veaux sont finis pendant un à deux mois avec de l’orge et du maïs. Abattus autour de 9 mois, ils donnent des carcasses de 175 à 220 kg. Il va essayer le croisement pour les alourdir. L’an dernier, il a fini une vache de réforme, et prévoit d’en engraisser quatre ou cinq en 2018.
« Nous avons des retours très positifs des consommateurs. Lorsqu’ils se régalent avec nos produits, nous nous sentons fiers. Avec de la viande de qualité, il y a de l’avenir ! », affirme Christelle. Elle livre régulièrement des particuliers ainsi que quelques épiceries de terroir. « Chaque année, pour nous faire connaître, nous organisons un repas à la ferme. La demande progresse et, aujourd’hui, nous manquons d’animaux pour la satisfaire. »
Pour y répondre, le prochain défi sera de trouver du foncier. D’autant que Nicolas, leur fils cadet, souhaiterait s’installer en 2019 après avoir fini son BTS. « Nous avons traversé des périodes difficiles et nous n’avons jamais encouragé nos enfants à devenir agriculteurs. Mais nous leur avons quand même transmis l’amour du métier ! », relève Christelle. Nicolas voudrait faire une formation de boucher pour créer un atelier de découpe à la ferme. Pour le rentabiliser, il faudrait monter à 60 mères et trouver au moins 25 ha de plus. Autour d’eux, ce n’est pas évident. « Ce sont les exploitations les plus grandes qui reprennent tout », constate Christelle.
La famille étudie une possibilité de reprise de terres à l’autre bout du département, ainsi que la création d’un élevage de porcs en plein air, qui demande moins de foncier. Avec plus de production, il serait alors possible de créer un Gaec à trois associant Robert, Nicolas et Christelle. « Je pourrais quitter moi aussi mon emploi salarié. Grâce à tous ceux qui nous ont soutenus, nous avons pu tenir le coup jusque-là. Et nous allons peut-être enfin réussir à vivre ensemble de l’agriculture ! », lance-t-elle.