«C’est la transformation qui m’a mené à l’agriculture. J’aime cuisiner, mais je ne me voyais pas travailler dans la restauration », explique Guillaume Trioulier, éleveur à Langogne, en Lozère. Son père, en complément de ses vaches laitières, élevait des biches et vendait déjà leur viande en direct. « En 2006, je me suis installé en reprenant cette production, poursuit-il. Parallèlement, j’ai démarré l’engraissement de porcs lourds en plein air et j’ai construit un atelier de transformation. »
Avec l’appui d’un conseiller, Guillaume a conçu un atelier polyvalent de 200 m² , où il peut découper la viande et la transformer en salaisons, en pâtés ou en plats cuisinés. « J’y ai investi 250 000 euros, indique-t-il. C’était beaucoup, mais j’étais enthousiaste et la banque m’a suivi. » Après s’être formé à l’Enil d’Aurillac, il a calé ses recettes et s’est lancé en vendant à la ferme et sur les marchés, puis dans deux boutiques de producteurs.
Les porcs, achetés à 50 kg, sont engraissés six à huit mois minimum avec du seigle produit sur l’exploitation et du tourteau de colza. Ils donnent des carcasses de 150 à 160 kg. La qualité de la viande et des produits transformés a rapidement séduit une clientèle. Guillaume, seul pour élever, transformer et vendre, n’a pas réussi à développer assez rapidement le chiffre d’affaires. « J’ai engraissé quelques taurillons, mais cela ne suffisait pas à rentabiliser l’atelier, reconnaît-il. En 2011, j’ai dû restructurer mes prêts et les étaler sur vingt-cinq ans. » Il s’est engagé jusqu’en 2036. Mais les annuités ont été ramenées de 46 000 à 26 000 €, ce qui a lui permis de retrouver un équilibre.
En 2016, pour préparer le départ de son père, Guillaume s’est associé en Gaec avec lui. En 2017, c’est sa femme Johanne qui l’a remplacé. « J’avais un emploi salarié à 40 kilomètres de là et j’étais absente toute la journée. Depuis que je travaille à la ferme, j’ai plus de souplesse pour gérer mon temps », apprécie la jeune femme. Ensemble, les éleveurs sont en train de réorganiser le fonctionnement de l’exploitation. « En 2017, nous avons quitté les deux boutiques de producteurs. Elles nous prenaient beaucoup de temps pour un chiffre d’affaires qui n’évoluait pas », souligne Guillaume.
À la ferme et sur les marchés, il s’est constitué une clientèle de vacanciers qui a envie de retrouver ses produits tout au long de l’année. « Nous avons commencé à faire des livraisons groupées sur Nîmes, Alès, Avignon et Marseille, ainsi que dans la région parisienne. Nous pouvons les développer, car il y a de la demande », ajoute-t-il.
Valeur ajoutée
« En direct, même s’il y a des frais de livraison, la marge est meilleureque dans les boutiques. Et à deux, nous transformons plus de volume chaque semaine », note Johanne, qui apprend le travail à l’atelier avec Guillaume. Pour offrir un service à leurs clients, ils proposent des pièces sous vide en complément des caissettes. Le porc, qui représente 65 % des ventes de produits transformés, reste le pilier de l’exploitation. Afin de développer le chiffre d’affaires en bovin, les éleveurs se sont lancés dans le veau rosé. « Pour monter en gamme, nous avons aussi remplacé les taurillons par des vaches. Ils donnaient un produit standard qui n’était pas au niveau de la viande de porc », ajoute Guillaume. La viande de ces vaches, finies en six à huit mois, est persillée et savoureuse. Elle a une meilleure tenue après maturation. « Nous avons des retours positifs des consommateurs, alors qu’avant, ils ne faisaient aucun commentaire sur la viande de bœuf », note Johanne. Leur objectif est de, progressivement, valoriser en direct huit à dix vaches et cinq à six veaux par an.
L’excédent brut d’exploitation a déjà bien progressé. Le couple souhaite l’augmenter davantage, pour compenser le salaire que gagnait Johanne auparavant, tout en pérennisant un emploi de permanent. « En avril 2017, nous avons embauché un salarié, dans un premier temps pour un an. Il nous aide bien. Nous avions besoin de souffler et de nous réorganiser pour avoir le temps de mieux faire chaque tâche », souligne Guillaume. Après des années difficiles, où l’éleveur n’a pas ménagé ses efforts, il peut enfin lever la tête du guidon et se projeter plus sereinement dans l’avenir.