Lorsqu’en 2014, Daniel Poincloux prend les rênes de la mairie de Crottes-en-Pithiverais (une commune de 330 habitants), il se pose une question : « Faut-il que je continue mes activités légumières et que j’embauche un salarié à mi-temps ou bien que je ne cultive que des céréales ? »
Dans les années quatre-vingt-dix, alors qu’il est installé avec son père sur 30 ha depuis une dizaine d’années, Daniel doit arrêter l’élevage de lapin. Il s’oriente vers les pommes de terre pour remplacer cette production. Peu à peu les surfaces s’agrandissent et les clients répondent présents. En 2017, il en cultive une petite dizaine d’hectares. Il livre la moitié sous contrat avec Terre de France et l’autre moitié à une vingtaine de revendeurs. Il a acheté son matériel (une planteuse, une buteuse deux rangs et une arracheuse) en copropriété avec son voisin. Aujourd’hui, sur 100 ha, Daniel cultive aussi des oignons, des betteraves et des plants de poireaux. Les trois quarts de sa surface sont emblavés blé améliorant et orge brassicole.
Daniel décide de rester diversifié. « J’ai mis du temps à construire ma clientèle. Je ne me voyais pas arrêter. C’est important d’avoir du contact avec l’extérieur », ajoute l’agriculteur de 55 ans. Suite à cette décision, il embauche un salarié à mi-temps. Après trois années très difficiles pour les céréales, il ne regrette pas son choix : « Les légumes confortent mon exploitation et mon salarié la connaît bien. J’apprécie de travailler à deux, car on s’entraide et on entreprend davantage. »
Relance d’une Cuma
Le contact et le travail à plusieurs motivent Daniel. En 2009, avec son voisin Romain Pilloy et d’autres exploitants de Crottes-en-Pithiverais, ils relancent une Cuma de 1958 en sommeil. Ils commencent par acheter une arracheuse à betterave. Aujourd’hui, la Cuma de Teillay-Saint-Benoist compte neuf associés et possède une automotrice, une moissonneuse-batteuse et un semoir à betterave avec engrais localisé. Les chantiers d’arrachage se réalisent en deux groupes de trois ou quatre personnes. Pour la moissonneuse-batteuse, la priorité est donnée aux blés durs et blés améliorants, puis la répartition entre les adhérents se fait au prorata des surfaces, suivant la météo.
« Les chantiers de récolte se déroulent en commun, l’un conduit la moissonneuse, l’autre les bennes. Cela me permet d’avoir plus de souplesse dans l’organisation de mon travail. Je peux aller facilement changer un enrouleur pendant que mon voisin bat chez moi. De plus, je bénéficie de matériel performant à un coût raisonnable (lire encadré ci-contre). Je n’aurai jamais eu cela en restant isolé », indique Daniel Poincloux.
En plus de l’embauche, Daniel adapte son assolement. Il arrête le colza parce que les semis s’effectuent en même temps que la récolte des pommes de terre et que le coût de production est trop élevé. Il le remplace par du maïs. « Le risque, c’est de ne pas avoir assez de quotas d’eau pour l’irriguer. Mais depuis trois ans, ça passe… », commente Daniel.
Autre changement, le passage en blé améliorant à 100 %. Daniel en cultive depuis quinze ans, mais jusqu’à présent, il conservait du blé tendre. La culture nécessite quatre apports d’azote et un stockage spécifique. Même si les rendements sont diminués de 10 à 15 q/ha par rapport à du blé classique, une prime fixe, entre 40 et 60 €/tonne, compense cette perte. Avec la chute des cours des prix des céréales, cette prime devient d’autant plus avantageuse. Daniel a semé du Ghayta, du Skerzzo et du Galibier. « Lors de la récolte catastrophique de 2016, j’ai fait le même tonnage en blé et en blé améliorant grâce à une variété très tardive. »
En 2016, Daniel a perdu 30 q/ha, soit environ 32 000 € de son résultat annuel. Les productions légumières ont amorti le choc. « À 55 ans, la trésorerie des années antérieures permet de passer le cap. Mais les jeunes, comment font-ils ? », s’inquiète-t-il. La récolte 2017 est dans la norme, autour de 74 q/ha en blé et 73 q/ha en orge, les rendements en pommes de terre et en oignons sont bons. Il faudra plusieurs années pour compenser la perte de 2016, mais Daniel a trouvé un bon rythme de croisière entre légumes, céréales et relations humaines.