«Sans transformation fromagère, nous ne dégagerions pas un revenu correct pour deux », expliquent d’emblée Franck et Cathy Moulin, installés à Montgreleix, la plus haute commune du Cantal, qui se hisse à 1 238 mètres d’altitude au cœur du Cézallier. « Et il est certain que, sans Cathy, je ne me serais pas installé ici tout seul », renchérit Franck.

Le ton est donné. Les décisions, toujours prises à deux, ont conduit, dans un premier temps, à l’installation de Franck sur l’exploitation parentale, au départ en préretraite de son père en 2003. Frank poursuit la fabrication de saint-nectaire fermier à partir du lait de ses 35 vaches laitières, une tradition ancestrale dans la zone géographique de la première AOP fermière d’Europe par le tonnage. Ce petit fromage rond, à pâte pressée non cuite de 1,8 kg, est aussi traditionnellement un « fromage de femmes », une revendication pleinement assumée jusque dans la communication (voir encadré ci-dessous).

Cathy arrive à son tour sur l’exploitation, le 1er janvier 2017, comme salariée agricole . À la naissance de leur première fille, elle quitte un emploi salarié de responsable qualité dans une fromagerie locale, et décide de se consacrer à l’exploitation. Le jeune couple construit un bâtiment neuf fonctionnel avec une salle de traite et une fromagerie. L’investissement s’élève à 450 000 euros. « En dix ans, nous avons doublé une production de fromages de qualité. Indispensable pour atteindre un équilibre financier satisfaisant », précisent Franck et Cathy. Des agrandissements progressifs, suite à des départs de voisins, conduisent à la surface actuelle de 100 ha. « Avec un troupeau de 70 vaches abondances et montbéliardes, nous sommes à la bonne vitesse de croisière avec, en amont de la production, une autonomie fourragère et, en aval, une production annuelle de 39 t de saint-nectaire.

Conformément au cahier des charges de l’AOP, le lait est transformé matin et soir immédiatement après la traite. Le couple travaille ensemble à « cette production qui fait leur revenu.  Une attention de chaque instant, y compris dans l’hygiène de traite, la santé des vaches, la qualité de l’alimentation, conditionne la qualité du produit final. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous louper ! Une production au lait cru génère un stress constant », soulignent Cathy et Franck, qui apprécient de s’épauler mutuellement dans ce travail exigeant.

Vente aux affineurs

La majeure partie du fromage est vendu « en blanc » à deux affineurs de la région, Wälchli à Condat (Cantal), et Montcineyre à Issoire (Puy-de-Dôme). Mais neuf tonnes, soit près de 5 000 fromages, sont vendues affinés en direct sur l’exploitation. « Nous ne nous déplaçons pas pour vendre. Nous participons chaque année au Concours national du saint-nectaire, qui se déroule en août dans la zone de production. » Cet hiver, les éleveurs ont aussi fait la promotion du saint-nectaire, durant trois jours au SIA à Paris, avec leur interprofession.

Soucieux de préserver leur vie de famille et leur santé, Franck et Cathy emploient un jeune salarié, Flavien, à tiers de temps grâce à un groupement d’employeurs. Angélique, salariée également, les remplace un jour par semaine à la fabrication. « Nous apprécions leur aide et leurs compétences. À moyen terme, lorsque nous aurons allégé nos emprunts, nous envisagerons de nous associer avec une personne ou un couple. Nous sommes passionnés par ce que nous faisons, mais nous souhaitons aussi voir grandir nos enfants et profiter de la vie. La filière saint-nectaire est gratifiante par la rémunération qu’elle apporte à notre travail. »

Les traites du samedi soir et du dimanche sont collectées par la laiterie. Le jeune couple a réinvesti 260 000 euros l’an passé dans une extension du bâtiment de stockage des fourrages et de la stabulation en logettes, supprimant ainsi l’usage de la dernière étable entravée qu’ils avaient encore dans le village. Deux postes de traite ont été aussi ajoutés à leur salle en deux fois quatre postes. « Nous sommes satisfaits du confort disponible pour nos animaux avec les matelas, les brosses et le brumisateur en salle de traite. Et du nôtre aussi ! »