«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » La formule attribuée au chimiste Lavoisier s’applique tout particulièrement au projet de territoire initié dans les Landes. À l’ouest de Mont-de-Marsan, l’eau issue du réseau de chauffage géothermique est envoyée vers un bassin artificiel. Quatre exploitations pourront, dès l’été 2019, y puiser la ressource nécessaire à l’irrigation de 132 ha, en substitution de leurs prélèvements d’eau superficielle.

Si, aujourd’hui, l’équation semble simple, le résultat est surtout le fruit du hasard des rencontres et des calculs d’ingénierie. « La réflexion débute en 2009 à la suite d’un rapprochement avec la régie des eaux sur la question des plans d’épandage, se souvient Julien Rabe, conseiller irrigation à la chambre d’agriculture des Landes. Elle m’expose alors les difficultés qu’elle rencontre pour le renouvellement de l’autorisation d’exploitation des deux puits géothermiques. » Les règles minières demandent désormais que les débits pompés, de respectivement 190 m3/h pour le puit n° 1 et 70 m3/h pour le n° 2, soient réinjectés plus loin, dans la même nappe. Mais l’étude de faisabilité conclut à un coût très élevé et à une grande consommation énergétique. Alors que la régie municipale se trouve dans une impasse, l’information circule et arrive aux oreilles de la chambre. « On a peut-être une solution de valorisation agricole », leur signale-t-elle. En effet, dans le même temps, les agriculteurs du bassin du Midou subissent régulièrement des restrictions d’eau. « Jusqu’à dix jours d’arrêt successifs en 2003 et 2006 », se souvient Julien Rabe. Cette ressource issue des profondeurs de la terre pourrait sauver la mise. C’est ainsi que naît le projet triplement gagnant « collectivité environnement irrigants ». Il vise à stocker l’eau utilisée par Mont-de-Marsan l’hiver pour la recycler l’été.

300 000 m3 à stocker

Pour réaliser un projet qui soit acceptable pour les écologues et les forestiers, le bassin de stockage de l’eau a dû élire domicile en zone agricole. Un chantier de type déblai remblai a été réalisé. Son volume utile atteint 300 000 m3. Pour l’alimenter, une conduite d’amenée de 3 km est créée. Un réseau de desserte sera, quant à lui, construit pour se raccorder à ceux d’irrigation existants. La diminution des volumes prélevés et la suppression des pompages en eau superficielle demandée par l’Agence de l’eau ont servi à dimensionner le bassin. En amont, un volume inférieur est pompé dans la nappe jurassique via le puits n° 2 : 220 000 à 250 000 m3, en fonction du besoin en chauffage, donc du climat. La pluie peut compléter. Si ce n’est pas encore suffisant, un pompage dans le Midou permet d’ajuster. Au final, l’emprise totale pour le site de stockage est de 8 ha, dont 4,5 ha de miroir d’eau. Une fois le bassin plein, la hauteur d’eau atteint 8 m.

Outre le choix discuté de la zone devant réceptionner le bassin, l’appel d’offres a déclenché l’intervention de fouilles archéologiques préventives, puis complémentaires, avec un coût à supporter par le maître d’ouvrage. À l’arrivée, une durée de trois ans a été nécessaire entre le début de la pré-étude réalisée par Julien et le démarrage des travaux.

Trois pompes en aval

Pour amener l’eau du bassin aux bornes et se connecter au réseau existant, 2,3 km de conduites devront être posées. Trois pompes Rovatti, de 90 kW de puissance, seront installées au niveau du bassin. Elles enverront l’eau nécessaire à l’irrigation des quatre exploitants. L’une d’elles sera à débit variable grâce à un variateur de fréquence. Un automate de régulation Siemens avec démarreur électronique sera aussi placé sur le circuit. Finalement, la capacité du système d’irrigation sera portée à 350 m3/h.

Remplissage en cours

Côté budget, 2,5 millions d’euros ont été nécessaires pour construire le projet, dont 500 000 euros à la charge des irrigants pour le réseau de desserte. Ils sont aidés à hauteur de 56 % par la Région et le Feader. Une cotisation de 80 €/ha leur sera également demandée par la ville. Le réseau d’amenée et le bassin ont été pris en charge par Mont-de-Marsan. L’Ademe, l’Agence de l’eau et la Région l’ont aidé. Six mois de travaux ont été nécessaires pour réaliser ces deux étapes « amont ».

L’hiver 2017-2018 a constitué la première année de chauffe avec remplissage partiel du bassin. Station de pompage et connexion à l’existant se feront à l’automne 2018, pour une première utilisation à l’été 2019.

D’une impasse et de la crainte de devoir stopper le chauffage collectif et de ne plus irriguer, le territoire a su rebondir et trouver une issue heureuse. Bien plus que notre cher inventeur considéré comme le père de la chimie moderne. « Victime » du régime de la Terreur, Lavoisier fut guillotiné !