C’est à la faveur d’une reconstruction que les serres de Fazanis sont partenaires d’un projet innovant de récupération et d’économies d’énergie (1). Situées sur le lycée professionnel agricole de Tonneins (Lot-et-Garonne), leur gérant, Serge Fort, coordonne l’installation de trois nouveaux types d’équipements devant stocker puis redistribuer la chaleur produite gratuitement en journée et non valorisée. L’objectif est à terme de ne plus utiliser d’énergie fossile. Il s’agit également de déshumidifier les serres pour ne pas utiliser de fongicides.
Ce travail est parti d’une expérimentation basée sur la disposition de dizaines de bidons noirs remplis d’eau sous les tablettes recevant les productions. Cet échangeur thermique redistribue le soir les calories emmagasinées en journée. Des ventilateurs issus de radiateurs informatiques sont mis en route pour faire circuler l’air entre les bidons. Résultat, l’hiver, la température dans la serre gagne 5 à 6 °C après une journée ensoleillée. La performance est alors limitée pour les phases de multiplication mais le procédé trouvera quand même un intérêt à des périodes intermédiaires, à l’automne par exemple.
Principe des bidons
Serge Fort est parti du principe des bidons pour imaginer une expérimentation à plus grande échelle, et dotée d’équipements plus performants. Le but est de comparer la production végétale et la consommation énergétique avec une autre serre sans récupération de chaleur.
Cette fois, les bidons sont remplacés par deux cuves de 10 m3 de capacité, avec deux aérothermes. La chaleur est recueillie en journée au niveau du faîtage puis restituée la nuit. L’idée est de travailler plus longtemps en serre fermée, même l’été, car en récupérant les calories, la température de la serre baisse en journée. Le système joue alors un rôle de climatisation fraîche. Un dispositif d’ouverture est tout de même maintenu car les températures estivales peuvent être très élevées.
Ce procédé reste surtout conçu dans le but de chauffer les cultures à des périodes allant de l’automne jusqu’au printemps, et pour des cultures ne nécessitant pas de forte demande énergétique : 14-15 °C en moyenne pour les aromatiques, les vivaces ou les légumes, par exemple. Ce système permettrait de gagner 10 °C.
Les paramètres de récupération et de restitution des calories s’observent sur un écran. Ils sont contrôlés depuis ce terminal et chez le partenaire technique de l’opération, l’association Rhône-Alpes techniques horticoles (Ratho), à Lyon. Toutefois, par sécurité et pour des besoins ponctuels, des aérothermes utilisant en amont du gaz sont aussi installés.
Plancher chauffant
L’expérimentation se poursuit avec une alternative aux cuves : le plancher chauffant. L’objectif est de stocker un peu plus longtemps l’énergie. Car avec une cuve, la bascule s’effectue rapidement la nuit. Les circuits se font face sur deux demi-serres. La charge en calories se réalise sur une période plus longue. Comme dans les serres équipées du système à cuves, les pots seront au contact du sol. Pour le choix des matériaux, c’est une terre limoneuse peu séchante qui a été choisie, ainsi que des cailloux drainants. Le protocole reste à affiner et des tests seront accomplis pendant deux ans. Un comparatif sera réalisé sur la base des mêmes espèces, avec les conditions de culture semblables.
Une troisième expérimentation a été imaginée. Elle reprend l’installation de bidons avec circulation de l’air, au moyen d’une gaine perforée. L’objectif est de « déstratifier » les températures, c’est-à-dire d’effacer autant que possible les gradients verticaux, en ramenant l’air chaud du faîtage au niveau des bidons.
Bidons et gaine perforée
Comme pour la première expérience, c’est l’intersaison qui est visée pour cette valorisation de chaleur produite « gratuitement ». Un terme qui reste relatif car il faut tout de même investir un minimum. La facture peut paraître salée, elle s’élève à 200 000 € de matériel et d’installation (2), mais reste toute relative, car elle n’est pas si éloignée du prix des systèmes conventionnels. De plus, l’opération doit permettre de réelles économies d’énergies et d’intrants, voire une production sous serre améliorée. Le retour sur investissement est prévu à six ans. Et puis comme pour tout nouveau système « sur mesure », le prototype demande souvent un prix plus fort à régler. Il faut espérer que les résultats paient.
(1) Le projet est porté par Agrithermic. L’ETI Clauger, la station Astredhor Ratho et l’EPLEFPA de Lot-et-Garonne sont partenaires. CTIFL, Inra et Profession sont au comité de pilotage. (2) Le Programme d’investissement d’avenir participe à hauteur de 100 000 €.