Depuis 2016, la France entreprend de redynamiser la conservation des ressources phytogénétiques végétales (RPG). L’un des objectifs est d’exploiter de manière plus efficace ces ressources dans les schémas de sélection des plantes. Pour ce faire, une nouvelle organisation nationale a été mise en place, financée par le ministère de l’Agriculture. Elle a pour but de coordonner et d’animer la conservation des RPG d’espèces cultivées et de permettre à la France de respecter ses engagements internationaux (lire l’encadré ci-dessous).

Deux nouvelles entités ont été créées l’an dernier : une structure de coordination nationale au sein du Géves (Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences), et une nouvelle section au CTPS (Comité technique permanent de la sélection) relative à la conservation des ressources phytogénétiques. Elle est composée de 46 membres impliqués dans la conservation des RPG (sélectionneurs, producteurs de semences, milieux associatifs, conservatoires régionaux…).

Structures décentralisées

Ces nouvelles structures s’attachent actuellement à recenser les acteurs et les collections existantes. La tâche est immense car la conservation des ressources phytogénétiques végétales en France repose sur des acteurs très divers, répartis sur tout le territoire. Parfois, il s’agit d’une seule entité, comme c’était le cas pour la collection de haricot vert à l’Inra avant que la société Limagrain prenne le relais. Cette organisation très décentralisée est unique au monde : dans les autres pays, les ressources génétiques sont regroupées dans un centre dédié.

ll existe 27 réseaux de conservation des RPG dans l’Hexagone, sur la base de partenariats publics-privés. Pas moins de 230 000 accessions (entités génétiques) figurent dans l’ensemble des collections ex situ (en dehors du milieu naturel), dont plus de 65 000 en grandes cultures et fourragères, plus de 32 000 en arbres fruitiers, plus de 6 000 en potagères…

Dans ces réseaux sont conservées différentes catégories de ressources génétiques : une grande partie des collections nationales et des ressources patrimoniales françaises, des matériels étrangers originaux, des espèces apparentées d’origine cultivée ou sauvage, des ressources à caractère scientifique, dont de très nombreux matériels à destination d’études en génétique et génomique.

Danger pour les espèces orphelines

Ces réseaux actifs, qui regroupent les entreprises de sélection et les instituts de recherche publique, sont organisés par espèces végétales : plantes à graines (céréales à paille, maïs, légumineuses à graines, colza, carottes, solanacées maraîchères à graines, tournesol…), plantes ligneuses (Malus, Pyrus, châtaigniers, noyers, Prunus…), plantes à bulbe et plants (allium, pommes de terre). Pour la betterave ou le pêcher, des collections existent mais une analyse plus précise de leur état est nécessaire. Par ailleurs, certaines espèces importantes sont encore « orphelines », comme par exemple l’oignon, la gesce ou la lentille, ce qui met en danger à terme les ressources correspondantes. L’idée est de recréer une dynamique autour de ces espèces.

Certains réseaux sont affiliés aux Centres de ressources biologiques (CRB), des « banques de graines » en contact direct avec les chercheurs, les sélectionneurs et les agriculteurs. Ils gèrent des collections ex situ sur douze sites, onze en métropole (voir carte) et un aux Antilles pour les espèces tropicales. Ces CRB sont adossés aux pôles scientifiques travaillant sur ces espèces ou les plantes modèles concernées (A. thaliana, M. truncatula), la plupart du temps des centres de l’Inra. La gestion des collections est partagée entre le CRB (multiplication, conservation, distribution) et les sélectionneurs privés (caractérisation des échantillons en pépinières). « Les obtenteurs réalisent de nombreux efforts dans les réseaux de conservation nationaux », confirme Christiane Duchène, responsable réglementaire pour les semences chez Limagrain.

Une valeur patrimoniale

Au niveau des territoires, des structures se sont aussi organisées autour de la conservation des RPG. C’est le cas des centres régionaux de ressources génétiques, des conservatoires botaniques, des parcs naturels, des collections locales. Des personnes individuelles sont également impliquées, ainsi que des associations comme le réseau Semences paysannes ou des associations de conservation de vieilles variétés et fruits oubliés telles que « Les croqueurs de pommes » qui veulent sauvegarder les variétés fruitières régionales en voie de disparition. « L’objectif de ces structures est de rechercher l’ensemble du patrimoine cultivé existant dans la région, associé à des pratiques particulières, détaille Audrey Didier. Ils ont une approche plus intégrée que les CRB. » Elles conservent leurs collections à la fois ex situ, in situ (dans le milieu naturel) et à la ferme. Des actions sont développées pour relancer les savoir-faire traditionnels et accompagner les agriculteurs pour intégrer par exemple des variétés anciennes locales dans une filière économique (lire l’encadré p. 42).