La certitude d’être arrivé au bout d’un système. D’en faire toujours plus sans que la rémunération suive le même chemin. Il y a quatre ans, Sylvain Renault, installé à Oëlleville, dans les Vosges, fait ce double constat et décide de réorienter son exploitation. « Le troupeau était alors de 400 bovins lait et viande, explique l’agriculteur de 45 ans. J’étais dans des pratiques intensives. Je n’avais jamais été un fan des traitements et le bio m’est vite apparu comme une évidence. La transformation et la vente directe ne sont guère possibles ici, nous sommes loin des gros bassins de consommation. »
Une étude prévisionnelle
En ce début d’été, l’exploitation termine sa conversion à l’agriculture biologique, entamée en 2017. L’atelier allaitant a été stoppé peu à peu, les taurillons vendus en 2017. C’est en janvier de cette année que sont parties les dernières vaches salers. Quant à la première paye de lait bio, elle est arrivée en décembre 2018 pour l’EARL de Derrière La Croix.
« En 2016, avec ma compagne Aurélie, nous avons fait appel à la chambre d’agriculture pour étudier la faisabilité technico-économique, précise Sylvain Renault. Nous avons été bien accompagnés durant la période de conversion, avec une prévision réalisée au printemps pour concevoir les stocks fourragers et l’assolement, un suivi en cours d’année pour les ajustements, un bilan fourrager à l’automne, de même qu’un prévisionnel de trésorerie. Pour les cultures, la transition s’est faite de façon simple, pas de problème majeur, notamment au niveau des adventices. Je faisais partie d’un groupe Déphy EcoPhyto et la réduction des intrants m’intéressait depuis plusieurs années. Pour le désherbage, je suis passé à la herse étrille, que je loue à un voisin. J’ai décidé de ne pas faire d’investissements pour les cultures, qui sont entièrement destinées à l’alimentation du troupeau. »
Un pâturage tournant sur 25 hectares
L’exploitation a fait le choix de tout miser sur la production laitière, « parce qu’en bio, c’est ce qui paie le mieux, précise Sylvain. Même si notre raisonnement n’a pas été que financier. Le bâtiment pour les vaches laitières est très fonctionnel. L’exploitation est équipée de deux robots de traite, le premier acheté en 2012, le second en 2018. Une stratégie qui peut paraître paradoxale en bio, mais qui nous permet un gros gain de temps et beaucoup de souplesse dans l’organisation des tâches. L’automatisation représente aussi un avantage dans la gestion du troupeau, permettant une détection précoce des problèmes, comme les mammites. » Pour la gestion de l’herbe, le système utilisé est celui du pâturage tournant sur 25 hectares, son accès n’étant possible pour les vaches qu’après la traite. Le bâtiment comporte 102 places de couchage, avec des logettes raclées. Pour le confort des bêtes, l’exploitation a équipé ces logettes de matelas d’eau. Les vaches sont rentrées matin et soir.
Des animaux en bonne santé
La moyenne par vache laitière est de 6 500 l, contre 7 500 à 7 800 l avant le passage en bio. « Nous n’avons pas eu de souci lors de la transition, qui s’est faite de façon progressive, souligne Sylvain. Aucune vache n’a décroché avec le changement d’alimentation. S’il y a besoin de soigner les bêtes, nous avons recours aux huiles essentielles. Des préparations toutes faites sont pulvérisées sur la croupe ou sur la mamelle en cas de mammite, par exemple. Nos animaux sont en meilleure santé depuis trois ans, moins sensibles. »
Aucun engrais extérieur n’est utilisé, uniquement le fumier et le lisier produits par l’élevage. Ces effluents sont ensemencés avec le système Sobac, à base de micro-organismes. Une pratique que l’agriculteur utilise sur les cultures pour booster la fertilité des sols.
À moyen terme, l’EARL va poursuivre les investissements sur l’atelier lait, pour continuer à améliorer les conditions de travail. Une nouvelle nurserie est prévue, l’objectif étant de satisfaire au cahier des charges bio, puisque les veaux doivent avoir un accès à l’extérieur lorsqu’ils sont âgés de trois semaines.
Dominique Péronne