«Les éléments paysagers comme les bandes fleuries attirent les insectes auxiliaires – syrphes, carabes et parasitoïdes – dans les grandes cultures et favorisent la régulation des ravageurs, souligne Régis Wartelle, chef de projet à la chambre régionale d’agriculture des Hauts-de-France (1). Ceci aide les agriculteurs à lutter contre les insectes agresseurs. » Encore faut-il savoir quelles espèces de fleurs semer, et de quelle façon. C’est l’objectif que s’étaient fixé les partenaires du projet Muscari (2), qui ont testé, deux années de suite, plusieurs mélanges de fleurs dans douze sites différents à travers la France.

Des mélanges de huit à quinze espèces

« En grandes cultures, le milieu est régulièrement perturbé, poursuit le chargé de mission. Le premier intérêt des bandes fleuries est de fournir un habitat stable aux auxiliaires. Il est donc préférable de retenir des mélanges de fleurs plutôt qu’une seule espèce, et de jouer sur leurs périodes de floraison, pour que les bandes soient fleuries toute l’année. Il faut également insérer des plantes pérennes dans le mélange, afin de maintenir ces bandes pendant plusieurs années et réduire leur coût. »

Dans la zone Nord, c’est le mélange le plus diversifié qui s’était le mieux comporté. Il était composé de pâquerette, véronique feuille de lierre, pissenlit, barbarée, alysse maritime, alliaire, carotte sauvage, centaurée scabieuse, achillée millefeuille, marguerite, bleuet, luzerne, mélilot, lotier et pâturin compressé. Il s’est également bien développé dans les autres régions.

Des mélanges simplifiés, à base de véronique feuille de lierre, barbarée, carottes sauvages, centaurée scabieuse, luzerne et pâturin compressé ou de pâquerette, alysse maritime, carotte sauvage, bleuet, luzerne pérenne, mélilot et vesce ont aussi donné de bons résultats. Ceux-ci ont été communiqués aux semenciers, qui pourront ainsi affiner les mélanges proposés aux agriculteurs.

Privilégier les espèces locales

« Il faut se méfier des fleurs d’origine horticole, comme les cosmos, zinnia ou centaurées, qui ont été sélectionnées pour l’esthétique, et non pour la production de nectar et de pollen, remarque Pascal Collomb, de la société belge de semences Ecosem. Le bleuet sauvage, par exemple, est très intéressant pour les insectes, alors que le bleuet horticole est stérile. » Et Régis Wartelle d’ajouter : « Il est, par ailleurs, préférable de privilégier les espèces locales, car elles sont mieux adaptées au milieu. »

Selon Karine Petit, de la Fredon Nord-Pas-de-Calais, « on constate aussi une bonne efficacité des matricaires, chénopodes, mercuriales ou coquelicots. Mais les agriculteurs hésitent à les voir fleurir aux abords de leurs parcelles, de peur qu’ils ne les envahissent. »

Ne pas enfouir les graines

« Mieux vaut implanter les mélanges de fleurs à l’automne, pour favoriser une floraison précoce au printemps, moment où l’on souhaite voir apparaître les auxiliaires, conseille Pascal Collomb. Les graines de fleurs étant très fines, la terre doit être soignée, pour faciliter le contact graine-sol. Les semences seront déposées sur le sol et non enfouies. La herse du semoir suffit à les recouvrir de terre. Elle sera complétée éventuellement d’un passage de rouleau si la terre est sèche. Pour réduire le coût de l’implantation, il est possible de semer un mélange de 15 % de fleurs et 85 % de graminées, fétuque par exemple. »

Une bande fleurie mise en place pour plusieurs années doit être entretenue. Après la première floraison, il est recommandé de faucher ou de broyer les plantes annuelles afin de laisser filtrer la lumière pour les plantes vivaces.

(1) Régis Wartelle est intervenu au cours d’une journée technique « Bandes fleuries », organisée par la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais le 26 septembre 2018.

(2) Muscari, « mélanges utiles aux systèmes de cultures et auxiliaires pour favoriser la réduction des intrants », en grandes cultures, compte dix partenaires, dont Solagro-l’Ensfea de Toulouse, l’Inra de Grignon, les chambres régionales d’agriculture des Hauts-de-France et de Bretagne et l’université de Tours.