Tous les matins, vers 8h30, les quatre associés du Gaec de la Chapelle, situé à Voinémont, en Meurthe-et-Moselle, prennent leur petit déjeuner ensemble, après s’être occupé des vaches, de l’alimentation, du paillage. Pour Yves, Franck, Pascal et Axel Abraham, le moment est à la fois convivial et important : « Même si chacun est autonome dans ses tâches, nous échangeons sur ce qu’il y a à faire dans la journée, mais aussi sur les grandes décisions », explique Franck.

Les quatre associés ont des liens familiaux à des degrés divers : Franck et Yves sont frères, Pascal est leur cousin. Axel est le fils de Jean-Marc, un cousin, entré dans le Gaec en 2009 et parti en retraite fin 2020. L’origine du Gaec remonte à 1972, entre deux frères Abraham.

Le bâtiment pour les vaches laitières de 3 000 m2 date de 2009. Il abrite les deux robots de traite. © D. Péronne

Une structure bien rodée

Installé depuis janvier 2021, Axel apprécie d’avoir intégré une structure bien rodée, où les charges de travail et de gestion sont partagées. « C’est un vrai confort, souligne le jeune agriculteur. Je le sais et je le revendique. Je ne me voyais pas m’installer seul sur une exploitation de polyculture-élevage. Mon père savait tout faire, de la réparation des machines au soin aux bêtes, mais le métier est devenu complexe, notamment la partie administrative. Tout le département vient d’être classé en zone vulnérable, ce qui implique d’être plus vigilants sur les pratiques agronomiques, même au-delà de la réglementation actuelle. Nous raisonnons­ davantage nos interventions dans les parcelles, le choix des variétés. Nous avons introduit des cultures de printemps, comme l’orge, pour allonger les rotations. »

Axel a la responsabilité du suivi des cultures avec Yves, ainsi que de l’alimentation et du paillage des animaux au quotidien. Pascal a en charge l’atelier lait, le suivi des vaches et des génisses, les inséminations artificielles. Franck s’occupe des veaux, de l’engraissement, de la partie administrative et comptable. Chacun est d’astreinte un week-end toutes les deux semaines. L’exploitation compte aussi un salarié, Vincent.

Axel se charge des traitements avec le pulvérisateur automoteur. © D. Péronne

Le bâtiment pour les vaches laitières a été construit en 2009 (3 000 m², tout en bois). À la même époque, les associés passent à la traite robotisée. Pour produire 1,3 million de litres, deux robots ont été installés. Un choix dont les agriculteurs se disent satisfaits : « La mise en route a été facile, note Pascal. Il a fallu un bon mois aux vaches pour s’adapter. Cela nous fait gagner un temps très important : auparavant, la traite nous prenait six heures par jour ! » Les vaches peuvent pâturer à partir du printemps, sur 15 ha autour du bâtiment. Davantage « pour se dégourdir les pattes », car la ration est la même toute l’année.

Axel est arrivé à point nommé. « Cela fait trente ans que nous sommes installés, précise Franck. Il n’est pas toujours facile de se remettre en cause. Axel apporte du sang neuf et de la motivation. Et surtout, nous savons que nous ne travaillons pas pour rien. La structure est pérennisée, il y aura une continuité de l’outil que nous avons bâti. »

De bonnes expériences

Avant de s’installer, Axel, titulaire d’un BTS en production végétale et d’une licence en agronomie, a travaillé dans une ferme au Canada (lire l’encadré), puis trois ans et demi à la FRCuma du Grand-Est. « Deux très bonnes expériences, confirme-t-il. À la FRCuma, j’ai rencontré beaucoup d’agriculteurs et j’ai pu observer leurs pratiques. J’ai acquis des connaissances spécialisées en comptabilité et en gestion. Je me suis fait beaucoup de contacts. Yves veut lever un peu le pied sur les cultures et me laisse faire avec du matériel comme le pulvérisateur automoteur. » « Axel a fait des études, il a voyagé, a travaillé en tant que salarié, insiste Pascal. C’est aussi riche pour nous de pouvoir bénéficier de ce qu’il a pu voir et apprendre. »

Dans sept à huit ans, Yves et Pascal vont partir en retraite. Les associés ont déjà réfléchi à leur succession et fait venir un juriste pour voir ce qu’il convient de faire pour la reprise des parts sociales ou pour les baux. Le bâtiment sera aussi fini d’être payé en 2024, ce qui donnera une bonne bouffée d’air financière. Le fils de Pascal prévoit de s’installer d’ici à quelques années. Le Gaec de la Chapelle, bien enraciné, continuera à se ramifier.

Dominique Péronne