Évaluer ses besoins

Produire et consommer sa propre électricité : l’idée est séduisante. « Mais l’autoconsommation ne convient pas à toutes les situations, tempère Enzo Casnici, conseiller énergie à la chambre d’agriculture du Rhône et référent régional sur le photovoltaïque. La production d’électricité, surtout en milieu de journée et en été, doit être en phase avec la consommation. Si elle est faible en face, ce ne sera pas intéressant. »

 

Revente à perte

En effet, le surplus d’électricité sera revendu à un tarif trop faible pour rentabiliser l’installation. Pour une centrale d’une puissance de 36 kWc (kilowatt-crête), le tarif fixé par l’État est de 0,06 €/kWh (kilowatt-heure). « Or le coût de revient moyen pour une centrale de cette puissance avec un taux d’autoconsommation élevé est d’environ 0,09 €/kWh, reprend le conseiller. On perd donc 0,03 € par kWh revendu ! Et c’est encore pire si le taux d’autoconsommation est faible… » Le stockage sur batterie est une solution coûteuse, qui fait plus que doubler le coût de revient du kWh. Sans parler de l’impact écologique des batteries.

 

Consommer en journée

La rentabilité dépend à la fois de la surface de la centrale et du taux d’autoconsommation. « Une centrale de 36 kWc correspondant à 200 m2 de toiture, avec 70 % d’autoconsommation, aura une rentabilité intéressante, évalue le conseiller. Avec une surface inférieure, il faudra un taux plus élevé d’autoconsommation pour amortir l’installation. Pour ne pas atteindre un coût de revient du kWh trop élevé, une surface de 100 m2 pour une puissance de 20 kWc me semble un minimum, et à condition d’autoconsommer 80 % de la production. » Une exploitation laitière classique avec une traite matin et soir ne consomme pas suffisamment d’électricité entre les deux : « L’autoconsommation n’est généralement intéressante que s’il y a de la transformation, avec des installations qui tournent pendant la journée », estime Enzo Casnici.

Calibrer le projet

Avoir une vision à long terme

Pour bien calibrer son projet, il faut avoir une vision à long terme. Effectivement, les contrats de vente du surplus d’électricité courent sur vingt ans. Il est impossible de basculer en cours de route sur un contrat de vente totale garanti par l’État, même si les besoins en électricité autoconsommée chutent brutalement, par exemple après l’arrêt d’une activité de transformation. Dans le doute sur l’avenir de l’exploitation, et si l’on dispose d’une surface de toiture de 500 m2 ou plus, Enzo Casnici préconise d’envisager la vente totale d’électricité : « Cela permet de bénéficier de tarifs de rachat plus élevés, garantis par l’État sur vingt ans. L’investissement de départ sera plus important, cependant en fin de compte les gains seront supérieurs. Et l’exploitation sera plus facile à transmettre, car la rentabilité de la centrale n’est pas liée à un atelier spécifique comme la transformation. »

 

Gros projets facilités

Un arrêté du 6 octobre 2021 facilite la réalisation de très grosses centrales, occupant 600 à 3 000 m2 de toiture. En vente totale, elles peuvent désormais bénéficier de l’obligation d’achat d’électricité, au lieu d’exiger de passer par des appels d’offres. En autoconsommation avec vente du surplus, les centrales de plus de 600 m2 peuvent vendre le surplus d’électricité au même tarif que les centrales en vente totale (un peu plus de 9 centimes au lieu de 6 centimes par kWh). Bérengère Lafeuille