Dans la cour de la famille Izard, à Cazalrenoux, dans l’Aude, en face du matériel de culture bien rangé sous le hangar, il y a désormais un atelier de transformation de viande de porc tout neuf. Par une grande baie vitrée, les visiteurs peuvent voir le travail dans la salle de découpe. « Si les clients passent commande à l’avance, je leur prépare les morceaux demandés », explique Benoît Izard, qui tient à apporter ce service plutôt que de proposer des caissettes avec un assortiment préétabli. Après avoir été aide familial, Benoît s’est installé en 2005, en Gaec avec sa mère Marie-Claude. « En trouvant 50 hectares à acheter, j’ai porté la surface labourable à 107 hectares. Mais en zone de coteau, avec nos petits rendements, cela ne suffisait pas à dégager deux revenus », poursuit-il.

En complément, les deux associés engraissaient des porcs pour leur coopérative. Là aussi, la marge restait réduite. « En 2016, j’ai décidé d’arrêter l’intégration et de reprendre de l’autonomie en vendant moi-même mes porcs », raconte le jeune éleveur.

Un atelier autoconstruit

Depuis, il a redressé la barre : « J’ai choisi de produire des porcs lourds, pour ne pas proposer la même viande qu’au supermarché. » En s’appuyant sur les recommandations de Marc Fabre, conseiller transformation à la chambre régionale d’agriculture d’Occitanie, Benoît a construit un atelier de 80 m² sous un hangar. « J’ai tout fait moi-même, sauf l’installation des frigos, précise-t-il. Avec l’équipement, cela m’est revenu à 80 000 euros. »

Pour financer cet investissement, l’éleveur a dû changer de banque. « Au CIC, j’ai trouvé une écoute pour mon projet », apprécie-t-il.

En mai 2017, il a transformé son premier porc : « Dans ma famille, nous avions l’habitude de faire notre charcuterie. Je connaissais le travail de découpe et de transformation. J’ai juste dû suivre un stage sur les règles d’hygiène avant de me lancer. » Sa mère l’aide pour la transformation et la vente à la ferme. « Elle vient de prendre sa retraite, mais continuera à me donner un coup de main comme salariée », précise Benoît.

Ventes locales

Afin de constituer son réseau de clients, le jeune éleveur s’est appuyé sur ses amis et sa famille. « J’ai aussi créé une page Facebook qui m’a fait connaître », dit-il. Le bouche-à-oreille a ensuite fait le reste, la qualité étant au rendez-vous à des prix qui restent accessibles. Benoît a choisi d’abattre un porc par semaine, plutôt que deux par quinzaine, même si cela fait plus de déplacements à l’abattoir de Pamiers, à 40 kilomètres de là. « J’ai ainsi de la viande fraîche chaque semaine pour fournir mes clients, souligne-t-il. Une fois qu’ils y ont goûté, ils en redemandent ! »

Pour les pièces de viande mises sous vide, la plupart lui passent commande par texto ou par mail avant le mardi, jour de découpe. « Cela m’évite de déballer des morceaux invendus pour les transformer », confie Benoît. Il garde malgré tout un petit stock pour répondre à la demande de ceux qui font l’effort de venir jusqu’à la ferme sans avoir commandé. Tout le reste de la viande est transformé en pâtés et salaisons.

Le jeune éleveur vend également des porcs en carcasse entière à des particuliers qui font eux-mêmes leur charcuterie. Il fournit aussi des animaux de 80 à 90 kg vif à deux éleveurs, qui les finissent sur leur exploitation. « En une année, j’engraisse 250 porcs lourds, contre 1 000 porcs standard précédemment. Avec la transformation et la vente, il y a plus de travail, mais aussi plus de revenu », apprécie Benoît. Sa trésorerie s’est améliorée : « Je n’ai plus besoin de demander d’avance sur les primes Pac à ma banque. » 85 % des ventes se font à la ferme. « Je ne livre que quelques particuliers qui groupent leurs commandes », explique l’éleveur.

L’équilibre atteint le satisfait : « Si je voulais produire plus, il me faudrait fournir des magasins et réduire ma marge. J’ai déjà assez de travail. Je préfère m’en tenir à mes clients locaux, dont je connais les besoins. »

Frédérique Ehrhard