«  À la manière d’une tapette à souris !, décrit Alain Champrigaud, responsable du service du développement territorial de la chambre d’agriculture de l’Aude. Nous utiliserons de la nourriture pour attirer et capturer les sangliers. »

La comparaison s’arrête ici, car à la tapette, la chambre d’agriculture et la fédération des chasseurs et de la nature de l’Aude ont préféré les cages à barreaux métalliques : « D’immenses cages. Dans des départements voisins, j’ai vu une laie et 80 marcassins enfermés d’un coup. »

Des agriculteurs cherchent à quitter les zones dévastées

Avec 300 000 euros de dégâts causés sur les exploitations agricoles par le sanglier pour la saison 2016-2017, l’Aude fait partie des dix départements les plus touchés par l’animal. « On arrive à des niveaux jamais atteints jusque-là, poursuit Alain Champrigaud. Dix-huit mille sangliers ont été abattus durant la campagne de 2016-2017. »

En dix ans, ce chiffre aurait évolué de 55,4 %, selon l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. « La limite a été atteinte. Malgré les protections déjà en place comme les clôtures, les dégâts engendrés vont crescendo et mettent non seulement en péril l’équilibre économique de la fédération des chasseurs et de la nature qui assure l’indemnisation des dégâts, mais aussi le fonctionnement économique de certaines exploitations. C’est le cas dans notre zone d’élevage sur le secteur des Pyrénées : on essaie d’y promouvoir une économie de proximité, avec le développement d’une autonomie alimentaire pour les troupeaux et donc de nouvelles cultures. Sauf que les éleveurs du secteur finissent par y renoncer à cause du sanglier. »

Sur le littoral, ce sont les vignerons implantés sur les premiers contreforts des Corbières, qui en font les frais : « Ils cherchent à se relocaliser dans la plaine. La pression est telle dans certains secteurs que cela remet en question l’économie agricole. »

De nouveaux profils de chasseurs

Le représentant de la chambre d’agriculture identifie plusieurs facteurs à l’origine du fléau. La structure des milieux serait notamment en cause : « Plus les milieux se ferment et s’embroussaillent, plus les sangliers trouvent des refuges, des habitats, qui leur conviennent. Ils n’ont plus ensuite qu’à aller piocher dans les cultures les réserves qu’ils ne trouvent pas en forêt. » Le vieillissement et la diminution de la population des chasseurs entrent aussi en jeu. Enfin, de nouveaux profils de chasseurs, d’origine citadine et qui méconnaissent donc la région, seraient jugés moins efficaces. « Et ça crée des frictions avec les agriculteurs. »

D’où le recours à ces fameuses cages.

Sous contrôle du préfet

L’idée est venue des départements voisins : « Nos collègues du Gard et de l’Hérault, qui sont aussi très touchés, ont développé la pratique. » Le cadre est très réglementé et nécessite une autorisation préfectorale. « Les cages à sangliers seront mises à disposition à la demande des intercommunalités et sous le contrôle de la DDT et du préfet. Elles seront financées par les communautés de communes ou les communautés d’agglomération, la fédération de chasse et la chambre d’agriculture. Et ce sont les lieutenants de louveterie – qui sont en quelque sorte des auxiliaires d’administration – qui seront chargés de la mise en œuvre des actions de régulation des populations de sangliers. » En clair, ces lieutenants de louveterie seront notamment « chargés de l’euthanasie des sangliers », explique Alain Champrigaud.

La chambre d’agriculture met d’emblée en garde : si les cages peuvent se révéler efficaces dans certaines situations, les autres modes d’action déjà en place comme les battues, continueront à être employées. « Le meilleur moyen de régulation, c’est en effet d’abord un bon chasseur. »

700 euros par cage

Un groupe d’agriculteurs du département n’a pas attendu et recourt depuis quelques semaines à ses propres cages. Avec l’aval de l’administration, ils en ont déployées deux sur leur secteur, très exposé, de longue date. « Ils ont en effet pris l’initiative de faire fabriquer deux cages qu’ils ont mises en place avec l’accord du lieutenant de louveterie. Ils les ont financées eux-mêmes. »

Chaque cage coûte environ 700 euros. Un coût qui pèserait peu face aux dégâts causés par les sangliers dans la zone. D’autant plus qu’une nouvelle loi sur la chasse devrait prochainement remettre sur le tapis les modalités d’indemnisation de dégâts de gibiers, dans des conditions ignorées à ce jour.

Rosanne Aries