Depuis la fin de l’aide à la production, ce secteur peine à atteindre l’objectif de 90 000 hectares plantés fixés depuis 2013. Même si, selon les représentants de la filière, « la profession grignote quelques milliers d’hectares de luzerne par an ». En cinq ans, seuls 2 000 hectares ont ainsi été gagnés, atteignant lentement 67 000 hectares à l’échelle nationale. Alors que la récolte se termine, les représentants français et européens de la luzerne déshydratée ont donc souhaité rencontrer le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan.
« Le cabinet de M. Hogan travaille sur les perspectives de réforme de la Pac, explique l’un des représentants de Coop de France travaillant sur la luzerne, mais les négociations n’étant pas engagées, personne ne peut prendre d’engagements ».
Précoce par rapport aux calendriers bruxellois, la rencontre ne visait donc qu’à faire entendre les arguments de la filière. « Les cultures de protéines sont toujours fragiles, il appartient à la profession d’affirmer sa détermination ».
Séchage responsable
Parmi les reproches adressés à la luzerne déshydratée, sa consommation d’énergie figure en bonne place. Afin de remplacer les énergies fossiles avec lesquelles elles alimentaient jusqu’alors ses fours, les usines travaillent donc actuellement sur de nouvelles centrales à biomasse.
« Le taux de biomasse incorporé, estime le représentant de la filière, augmente d’année en année. » Nul il y a quinze ans, ce taux s’élèverait à 20 % actuellement. Les producteurs ont donc demandé au commissaire de les soutenir par des aides à la transition énergétique, en facilitant l’achat de centrales alimentées par des plaquettes, ou du miscanthus.
Une filière rentable, à condition d’avoir des débouchés
La luzerne sous contrat est rémunérée actuellement à 90 € la tonne récoltée. Les exploitants ont en charge le semis, les traitements et amendements la première année, mais la coopérative se charge du reste des opérations pendant les trois années suivantes, jusqu’à ce que la culture soit implantée dans d’autres parcelles. Les charges sont ainsi très faibles, et les marges, particulièrement intéressantes, se rapprochent de celles des grandes cultures.
La luzerne serait-elle une plante miracle ? « La luzerne déshydratée, explique le représentant de la filière, ne peut s’envisager qu’avec une unité de déshydratation, et cette unité n’est rentable qu’avec un minimum de surface ». Impossible, donc, de construire une usine pour quelques centaines d’hectares.
Rassembler 2 000 ou 3 000 hectares serait un minimum pour envisager de tels projets, dans un rayon de 30 ou 40 kilomètres. Autre condition : avoir un combustible bon marché disponible à proximité. Avec de telles exigences techniques, l’organisation en coopérative est ainsi un passage obligatoire pour le développement de cette activité.
La France, championne du non-irrigué
Les champions européens de la luzerne déshydratée se trouvent en Espagne, qui traite près de 1,3 million de tonnes. L’Italie et la France se partagent la seconde marche du podium avec environ 800 000 tonnes, avec une différence de taille. Contrairement aux pays méditerranéens, en France, la luzerne n’est jamais irriguée.
Près de 80 % des usines de luzerne déshydratée françaises sont localisées en Champagne-Ardenne, dont les dix-huit unités traitent environ 50 000 hectares. La racine pivot de la légumineuse serait ainsi particulièrement adaptée aux sols crayeux de la Champagne-Ardenne, qui permettent aux racines de descendre jusqu’à 5 ou 6 mètres. La luzerne, dans les exploitations champenoises sous contrat, représenterait environ 10 % des assolements.
La filière se rendra à Vienne, à la fin de novembre, à l’occasion d’une grande conférence sur les protéines. La plus grande subsidiarité envisagée pour la prochaine Pac devrait également conduire ses représentants à se rapprocher sous peu du ministère français.