L’ambiance, chez les exploitants, est plutôt sombre. Le sud-est du pays, composé des États de la Nouvelle-Galles-du-Sud et du Queensland, a été le plus touché par le manque d’eau. « Certains champs n’ont pas levé, explique Tony Mahar, directeur du National Farmer Federation (NFF), l’association principale des exploitants. Pour ceux-là, il est déjà trop tard. » Comme dans plusieurs pays d’Europe cette année, certains d’entre eux seront pâturés ou récoltés comme fourrages.

Ailleurs, dans la région du Victoria tout au sud, ou en Australie Occidentale, la situation semble meilleure. Ces zones limiteront les dégâts au niveau national. « Le rendement des céréales pourrait être en baisse d’environ 25 %, estime Tony Mahar, mais il encore tôt pour en être certain. En tout cas, la production nationale sera plus faible que d’habitude. » Les céréales, mais également les oléagineux et les protéagineux seront affectés.

Conserver son indépendance en fourrages

Les différences de situation dans le pays éviteront aux Australiens de recourir aux importations. « Les exploitants du Sud-Est peuvent acheter du foin et du fourrage dans les autres régions », explique Tony Mahar. Le fourrage voyage actuellement sur 1 000 à 2 000 km jusqu’aux exploitations touchées, grâce aux aides du gouvernement ou des États.

Exportateur reconnu, l’Australie pourrait cette année réserver une plus grande partie de ses fourrages au marché national. « Les prix domestiques sont très hauts », souligne Tony Mahar. Les contrats signés avec les acheteurs étrangers devraient maintenir un niveau d’exportation élevé.

Réduction du cheptel

La sécheresse aura un effet marqué sur les productions animales du pays. La baisse du nombre de bovins, d’après M. Mahar, est une « stratégie assez commune pour réduire le risque en Australie ». Tant le secteur allaitant que le secteur laitier sont concernés.

Forcées de supprimer une partie de leur cheptel, les exploitations tournées vers la reproduction pourraient figurer parmi les plus grandes victimes de cet hiver, avec un effet brutal sur la gestion des troupeaux à moyen terme. En ovin également, la sécheresse pourrait entraîner une réduction des effectifs.

Préparer la prochaine sécheresse

Les sécheresses sont régulières en Australie. Celle de 2018 est arrivée dans un contexte plutôt favorable, après des années de prix assez hauts et de bonnes récoltes. Pour l’association des agriculteurs, il ne faut ainsi pas s’attrister sur les conditions, mais plutôt déjà retrousser les manches.

« Nous devons nous préparer pour la prochaine sécheresse », soutient Tony Mahar. Pour lui, il s’agit d’adapter la gestion lors des années favorables, en augmentant les plafonds de remboursement des dettes et en privilégiant l’épargne. Des investissements sont par ailleurs déjà prévus dans des infrastructures de stockage d’eau ou de fourrages.

Intervention prudente du gouvernement

Le gouvernement accompagne les efforts en cours. « Les exploitants, explique le directeur de la NFF, ont été autorisés à déprécier la valeur de leurs actifs plus rapidement. » En plus des avantages fiscaux et des aides au transport de fourrages, des dotations exceptionnelles pour le paiement des prestations sociales ainsi que des prêts à taux préférentiels ont été accordées.

Ces soutiens seront limités dans le temps et dans leurs effets. D’une manière générale, le gouvernement australien intervient très peu sur les marchés. L’aide gouvernementale représenterait en moyenne selon la NFF moins de 1 % du revenu annuel des exploitants.

La récolte sera terminée aux alentours de Noël dans la plupart du pays. Malgré les prévisions météorologiques pessimistes, le directeur de la NFF reste confiant. « Nous avons déjà traversé des sécheresses, et nous continuerons d’être des fournisseurs compétitifs sur le marché international. »

Ivan Logvenoff