« On aime bien recevoir du monde », explique Nicolas Douhain avec simplicité. Lui et son frère sont à la tête d’un Gaec situé à Aroz, dans la Haute-Saône, et produisent annuellement 600 000 l de lait. Le 10 juillet dernier, près de 500 personnes se sont déplacées dans leur exploitation pour regarder le match France-Belgique sur un écran prêté par la FDSEA 70.

Un hangar transformé en fanzone

Entre les jambes des adultes qui boivent un verre, les jeunes footballeurs du club local se faufilent, les joues peintes en tricolore.

Ils sont 500, mais le village d’Aroz, ne compte que 150 habitants. Agriculteurs, fans de football, curieux : on a fait le déplacement de tout le département pour voir le spectacle. Il y a même du beau monde. Le préfet et la télévision régionale sont eux aussi présent dans ce bâtiment qui accueille d’habitude un troupeau de 75 laitières.

Parmi la foule, certains n’ont pas souvent l’occasion de rentrer dans les fermes. Une dame s’étonne. Elle ne voit pas d’animaux, elle qui espérait pourtant regarder le match au milieu des vaches. « Ce n’est pas la crèche non plus, plaisante Nicolas. Elles sont au pré. »

À côté de l’écran se trouve tout de même un veau né il y a à peine quelques heures et que l’on a mis dans la niche habituelle. Échappant à leurs parents, des enfants viennent lui caresser la tête.

Le football rassemble tout le département dans l’exploitation laitière © Alexandre Lacroix/FDSEA 70

Ce qui compte ce soir-là, ce n’est pas vraiment l’issue du match pour l’exploitant. « Je ne suis pas un fan de foot, confie-t-il, l’ambiance me plaît plus que le résultat ». Et l’ambiance, avec la victoire, est au rendez-vous. Les derniers supporters quittent la ferme après trois heures du matin.

Un peu de travail pour beaucoup de plaisir

Par chance, les conditions sont exceptionnelles cette année dans la région, et la moisson peut bien attendre quelques jours. Les travaux ont été mis en pause dans tous les champs du département pour soutenir les bleus. À ceux qui leur parlent de récolte pendant la soirée, les exploitants répondent : « Ce soir, on pose la machine ! »

Le lendemain, quelques heures suffisent pour tout ranger. Nicolas Douhain n’hésitera pas à renouveler l’expérience. « On discute beaucoup pendant le match, se félicite-t-il. Grâce aux échanges, il y a des gens du village qui ont maintenant un nouveau regard sur ma ferme. »

Pour répondre aux exigences du plan Vigipirate, il a fallu entourer l’exploitation de remorques et de bétaillères, afin de ne conserver qu’un seul accès. Des membres des Jeunes Agriculteurs ont assuré les fouilles et le contrôle des sacs à l’entrée. « Cela demande quelques jours de travail en plus, mais ça vaut le coup ». À proximité du foin, quelques extincteurs avaient même été prévus en cas d’accident de cigarette.

Le public a été impressionné par ce dispositif. « On nous a beaucoup remerciés, raconte Nicolas, et surtout, tout le monde a salué l’inventivité de notre profession. »

Une belle idée née d’une histoire triste

Nicolas avait déjà ouvert ses portes en 2016 à l’occasion de l’Euro. « À l’époque, rappelle Alexandre Lacroix, de la FDSEA 70, on avait eu un mois de juin très pluvieux, et les hangars étaient vides. » Et les exploitants avaient tous le moral au plus bas.

C’est alors que l’un d’entre eux, pour se redonner du courage, invite un voisin à regarder le match sur un grand drap tendu entre deux poutres. Le voisin appelle un ami, qui appelle un cousin. Ils sont bientôt quelques dizaines. La FDSEA 70, heureuse de cette initiative, l’encourage en proposant à d’autres agriculteurs d’accueillir à leur tour les matchs, et en mettant à leur disposition du matériel professionnel.

Cette année, les projections n’ont commencé que pour la demi-finale. Dès le lendemain de cette soirée endiablée, tous les voisins de Nicolas Douhain l’ont appelé pour lui demander de renouveler l’expérience, mais il a décliné. La finale, comme le veut la tradition, ce sera chez un collègue.

On est en finale !

C’est donc Gérald Pichot, avec son troupeau de 20 allaitantes et de 60 laitières en bio, qui accueillera les supporters le 15 juillet prochain. La FDSEA attend cette fois près de 1 000 personnes. « Ça va rentrer », promet Gérald, qui prévoit de parquer le public dans le bâtiment de ses allaitantes. « On mettra des bottes de paille dehors, explique-t-il, pour que les gens s’assoient. »

La FDSEA fournit l’écran et le son mais pas la buvette. Ce sont les Jeunes Agriculteurs qui s’en occuperont. « Cette fois, nous confie Alexandre Lacroix, il y aura peut-être des glaces fabriquées chez un exploitant de la région. » Et il ajoute, prudemment, comme de peur de tenter le sort : « En cas de victoire, on prévoit peut-être aussi un DJ, pour faire danser les gens, mais… rien n’est fait. »

Rendez-vous le 15 juillet 2018 à la ferme de Gérald Pichot, à Bouhans-lès-Lure à partir de 16 h !

Entrée libre et gratuite.

Ivan Logvenoff