Il espérait s’étendre sur les États-généraux de l’alimentation, mais le ministre de l’Agriculture aura surtout entendu parler du glyphosate et des fortes inquiétudes des agriculteurs, lors de Terres de Jim.
La grande fête agricole organisée par Jeunes Agriculteurs (JA), du 8 au 10 septembre, s’est tenue cette année à Margny-lès-Compiègne, dans l’Oise. Et lors de sa visite, de plus de cinq heures, ce dimanche, Stéphane Travert a pu en effet mesurer, dans les allées, l’impact de l’annonce faite quelques jours plus tôt par Nicolas Hulot. « Qu’allez-vous faire pour le glyphosate ? », a-t-on pu entendre à plusieurs reprises.
Définir une trajectoire « acceptable »
Lors de son discours de clôture, la ministre a rappelé ses propos tenus dans l’Ille-et-Vilaine à la fin de la semaine dernière : « Je défends nos modèles agricoles, je ne veux pas les opposer. Mais je veux que l’on puisse tracer ensemble une trajectoire acceptable, qui vous permette de travailler, d’anticiper, d’innover et de nous retrouver sur des positions communes. Je travaille à définir cette trajectoire pour qu’ensemble nous puissions trouver la meilleure solution. »
Des propos jugés insuffisants : une dizaine de jeunes agriculteurs l’a interpellé à l’issue, et entouré pour tenter d’obtenir des réponses. Sans agressivité, ce sont de fortes craintes quant à l’avenir qu’ils ont exprimées. « M. Hulot peut-il tout se permettre ? a tout d’abord demandé Nicolas Merle, président de JA Auvergne-Rhône-Alpes. Il faut que M. Macron mette de l’ordre dans son gouvernement. Des sorties comme celles-là, ça met tout le monde en porte-à-faux. »
« Qui gère l’agriculture ? »
« On n’a pas eu les réponses auxquelles on s’attendait aujourd’hui, a poursuivi Florian Salmon, éleveur en Ille-et-Vilaine. Le glyphosate n’est pas le seul problème, c’est la façon de faire qui pose problème : qui gère l’agriculture aujourd’hui ? On dirait que c’est le ministère de l’Écologie. Les décisions doivent se prendre en commun, et pas uniquement pour faire plaisir au consommateur. Des produits sont dangereux ? Ok !… On les supprime ? Ok !… Et après ? Il y a une économie à maintenir en agriculture. Quelle ligne faut-il tenir M. le ministre ? ».
Trouver des alternatives au glyphosate
Quelques instants plus tôt, le président de Jeunes Agriculteurs, Jérémy Decerle, avait lui-même rappelé la nécessité de trouver des alternatives au glyphosate, avant de l’interdire : « Une interdiction du jour au lendemain serait ingérable », a-t-il martelé.
Yohann Barbe face à Stéphane Travert : « Ce que l’on veut, c’est un délai pour faire la transition ». © R. Aries/GFA
Le président de JA des Vosges, Yohann Barbe, a confirmé de son côté le refus du ministère de l’Écologie à recevoir le syndicat. « Il ne veut pas travailler avec nous. Pourtant, on ne s’oppose pas pour s’opposer… On a vécu la suppression de l’atrazine pour les plus anciens. Nous avons réussi à nous en passer, parce que nous avons eu des produits de substitution. Avec le glyphosate, on n’a rien. Ce que l’on veut c’est un délai pour faire la transition. »
Consolider ses arguments
« Moi, les copains, je veux les voir à l’église parce qu’ils se marient, je ne veux plus suivre leur cercueil, a poursuivi Arnaud Gaillot, secrétaire général de JA du Doubs. Pour le seul département de la Saône-et-Loire, sept agriculteurs se sont suicidés depuis le début de l’année. Et ce ne sont pas les problèmes financiers qui les accablaient le plus, c’étaient les conflits avec la société. On peut finir par avoir honte de faire notre métier… Pourquoi, M. le Ministre, ne tapez-vous pas du poing sur la table en disant : « L’agriculture française, je la soutiens. » Si le glyphosate n’est pas reconduit, il faudra alors que vous cessiez aussi les importations de produits qui en comportent. Sinon, ce serait tromper la société. »
Stéphane Travert leur a dit à nouveau qu’il travaillait à la mise en place d’un calendrier ; « je travaille à trouver des arguments pour convenir d’une gestion du temps », a-t-il ajouté avant de s’entretenir pendant près de quarante minutes avec les présidents et secrétaires généraux de JA et de la FNSEA, puis de regagner Paris.