Un métier attirant qui fait sens

Cela paraît incroyable, mais aujourd’hui, l’agriculture est plus aimée de l’extérieur que de l’intérieur. À l’Esa, comme dans bien d’autres écoles d’agriculture, nous recrutons de plus en plus nos élèves hors du milieu agricole, voire même hors du milieu rural. Et je constate que ces étudiants ont souvent un intérêt plus fort pour le métier d’agriculteur que ceux que j’appellerais les « héritiers ». L’agriculture fait envie parce que c’est un monde qui produit du sens, ce qui est moins – ou n’est plus – le cas d’autres activités économiques.

S’ouvrir aux hors-cadre familiaux

Historiquement, la politique d’installation a connu plusieurs étapes. Dans les années 1960, par exemple, elle fut pensée pour faciliter un changement de générations. À l’époque, il fallait pousser les « vieux » dehors. Cette approche a d’ailleurs perduré jusque dans les années 1980. Les mots employés reflètent cette évolution. On parlait alors d’installer, de succéder ou de reprendre. Mais aujourd’hui, la notion de transmission, au sens propre du terme, est devenue essentielle. Pour installer, il faut arriver à créer un mouvement. Si on aborde les choses sous cet angle et si on ouvre plus grand les portes de l’installation aux « non issus du milieu agricole », il n’y a pas de raison d’être inquiet.

Candidats disposés au changement

La France vit actuellement une reconstruction politique, qui part des communes. De fait, nous allons vers des modèles de développement locaux. Cette orientation ouvre d’énormes marges de manœuvre pour l’agriculture, à condition toutefois que l’impulsion donnée réponde aux attentes des habitants et à celles des candidats. Les premiers sont de plus en plus nombreux à penser autrement leur alimentation. Quant aux seconds, beaucoup ne viennent pas du milieu agricole. J’ajouterais qu’il y a parmi tous ces candidats beaucoup de femmes et que, de manière générale, tous sont très attentifs à avoir une pratique qualitative de leur métier. Je dirais également qu’ils approfondissent beaucoup plus leur projet et craignent moins de faire du nouveau.

Pas d’autre choix qu’une politique de rupture

Réfléchir, prendre localement des mesures qui vont favoriser l’installation, c’est important. À défaut, il faut bien se rendre compte que le processus d’agrandissement des exploitations ira s’accélérant. Et avec lui, la concurrence foncière. Tout ceci n’est pas de nature à créer de bonnes relations entre les agriculteurs qui resteront. Et pas de meilleurs rapports avec la société.

Je rappelle que l’agriculture avec des exploitations de grande taille suscite beaucoup de critiques et je crois que nous n’avons aujourd’hui pas d’autre choix que celui d’une politique de rupture.

Propos recueillis par Anne Mabire

(1) Roger Le Guen a livré sa réflexion devant les élus et les agriculteurs du Segréen (nord du Maine-et-Loire), le 15 février.