Installé depuis trois ans, Mickaël Lebrault se souviendra longtemps des conséquences de la récolte de 2016. « Un tatouage, ça reste un certain temps… » À 37 ans, fils d’agriculteur, il a la chance d’avoir peu emprunté pour s’installer sur 133 ha, à Cléry-Saint-André (Loiret).

 

« Avec un déficit de 15 000 euros, j’ai dû réaliser un emprunt court terme pour financer la campagne de 2017. J’ai demandé un report des cotisations à la MSA. Je suis 100 % en location et seulement un tiers de mes propriétaires m’a restitué l’allègement de la taxe foncière. J’ai fait l’impasse sur les engrais P et K et revu mon assolement. Aujourd’hui, je suis plus serein. »

 

Dans le Centre-Val de Loire, il y a un an, les cellules de crise prédisaient 20 % de dépôts de bilan supplémentaires. Finalement, Jérôme Boulan, responsable de l’agriculture au Crédit agricole, note « une situation tendue, mais pas une accélération du taux de défaillance des entreprises ».

 

Selon lui, la mobilisation de tous les acteurs agricoles de la région a amorti la chute. Dans chaque département, un millier d’agriculteurs a été contacté par un des organismes agricoles. Avec un taux de réponse faible. Dans l’Indre, seuls 20 % des cotisants ont répondu à l’appel de la MSA. Dans le Loiret, 70 % des agriculteurs se sont débrouillés en faisant appel à de l’épargne, en augmentant les délais de paiement, ou en trouvant une activité à l’extérieur. « Les agriculteurs ont une capacité de résilience impressionnante », note Pascal Cormery, le président de la MSA Berry-Touraine.

 

Du côté des coopératives, il n’est pas question de donner des chiffres sur l’évolution des encours des agriculteurs. Pour Pierre Toussaint, directeur de la collecte et de la qualité chez Axéréal, « les agriculteurs ont maintenu un niveau d’investissement correct pour la campagne de 2017. Nous avons eu une hausse de 14 % des ventes de semences certifiées, favorisée par notre offre d’avance de trésorerie. »

Projets gelés

Cela n’efface pas des situations très difficiles. Les dossiers des cellules d’agriculteurs en difficultés ont doublé. Dans le Loir-et-Cher, Aidagri compte déjà 29 dossiers pour le premier semestre de 2017, contre 25 d’ordinaire sur une année. Selon Pascal Cormery, en 2015, 38 % des agriculteurs vivaient avec moins de 350 €/mois ; pour 2016, ce sera sûrement 50 %.

 

Éric Achour, directeur de CER France Alliance Centre, ajoute l’impact psychologique. « Cette récolte a gelé des projets et anticipé des volontés d’arrêt. Tout le monde attendait la récolte suivante. » Verdict : la récolte de 2017 s’annonce correcte. Peut-être une bouffée d’oxygène pour revoir le modèle de chaque exploitation. La région soutient des audits stratégiques : 140 ont été réalisés depuis mars. La diversification et la maîtrise des coûts de production sont au cœur des réflexions.