Les dépôts sauvages sont la plaie des campagnes périurbaines. À 50 km de Paris, le Vexin en fait la triste expérience : « Nos champs sont des poubelles à ciel ouvert, grince Denis Sargeret, et la situation empire ! » Agriculteur et maire de Théméricourt (95), il tente d’obtenir un fonds de l’intercommunalité pour financer le ramassage de ces déchets, une trop lourde charge pour une petite commune.
L’incivilité semble devenue la norme, se désole l’agriculteur : « Les gens ne respectent plus rien. Ils ont tous les droits. Et si j’essaye d’intervenir, je me fais injurier. » Alors, impuissant, il ramasse lui-même les ordures laissées par les « amateurs » de la campagne… Mais tout dépend des quantités !
Joris Lerdu, céréalier à Avernes (95), s’est retrouvé avec l’équivalent de trois semi-remorques de déblais de chantier de BTP sur sa plate-forme de stockage de betteraves. Il aura fallu une mobilisation énergique de la FDSEA et de JA et le soutien du préfet pour que la mairie consente à payer 14 000 € pour le nettoyage du terrain… au bout de vingt mois !

Terrains squattés
À une centaine de kilomètres de là, près de Lille, les agriculteurs sont concentrés sur un autre combat. « Le 23 août dernier, cinquante caravanes ont investi sans autorisation des pâtures à Bondues (Nord). C’est une perte directe de fourrage pour l’éleveur », s’indigne Laurent Verhaeghe, président de la FDSEA 59. Deux jours plus tard, à l’appel du syndicat, plusieurs tonnes à lisier ont déboulé devant la mairie de la ville pour faire pression sur les élus et le préfet. Le lendemain, les gens du voyage regagnaient une friche industrielle.
Le déménagement n’est pas toujours aussi rapide, comme en témoigne Loïc Detruche, président des JA de Haute-Savoie : « Les demandes d’expulsion auprès du préfet – qui ont plus de chances d’être accordées si des troubles à l’ordre public sont démontrés – aboutissent au bout de 10 jours en moyenne. Au mieux, en 4 jours. »
Pour les Savoyards, voir leurs propriétés squattées par des dizaines de caravanes est d’autant plus insupportable qu’il existe des aires spécifiques : « Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage est respecté et il a coûté cher à la collectivité, poursuit le jeune éleveur. Mais certaines personnes refusent de s’y installer, invoquant la saleté, le sol en gravier ou des mauvais esprits… Ceux-là s’installent alors en toute impunité sur les parcelles qui sont notre outil de travail. »
Entre mars et août de cette année, il y a eu 80 stationnements illicites en Haute-Savoie… et autant de demandes d’expulsion. Et le phénomène s’accélère dans le département. À chaque installation, une vingtaine d’agriculteurs et d’élus, accompagnés de forces de l’ordre, se rendent sur les lieux. « Les discussions sont en général houleuses et la tension palpable… À la limite du débordement », relate Loïc Detruche, qui ne compte pas se laisser intimider.
Proposition de loi
À la fin de juillet, une délégation de syndicalistes et les parlementaires du département ont porté leurs revendications au ministère de l’Intérieur. Une proposition de loi a été déposée par le sénateur Loïc Hervé (UDI), de la Haute-Savoie, visant à renforcer les sanctions en cas d’installations illégales et accélérer les expulsions. Elle pourrait aboutir à l’automne.
Plus au Sud, dans les Bouches-du-Rhône, une tout autre population apparaît dans les champs : les « teufeurs », adeptes de la musique électronique. « Ils étaient 5 000 à 10 000 en juillet et près de 30 000 le week-end du 15 août à piétiner la plaine de Crau, une zone protégée Natura 2000 », se désole Patrick Lévêque, président de la FDSEA 13.
Quarante-cinq hectares ont été occupés et trois éleveurs chiffrent leurs dommages à 30 000 €. Ils ont porté plainte contre les organisateurs. « La bergerie en pierre a été taguée, les foins ont servi de lieux d’aisance, la repousse de l’herbe est compromise. Sans parler des monceaux de déchets, seringues, canettes, sacs-poubelles, énumère Patrick Lévêque. On est spectateurs et démunis. » Les victimes espèrent que les pouvoirs publics vont frapper fort pour montrer l’exemple. Il restait 30 tonnes de déchets sur les lieux quand les fêtards ont quitté précipitamment la scène.