Les parlementaires de la commission du développement durable ont décidé de se pencher sur les freins à la transition énergétique avec plusieurs missions d’information sur les filières prometteuses qui peine à démarrer. L’hydrogène a ouvert le bal ce 24 janvier 2019. Sur le papier, cette solution semble avoir tous les atouts.
« L’hydrogène est l’élément le plus abondant dans l’univers, puisqu’il en compose 92 %, rappelle Daniel Hissel, directeur de la Fédération de recherche Fuel-cell Lab au CNRS. C’est un bon vecteur énergétique et surtout, il est dual-electricity, c’est-à-dire qu’il peut créer de l’électricité et être généré à partir d’électricité. Et bien sûr, il est non polluant, à condition d’être produit de façon décarbonée, c’est-à-dire sans pétrole ou énergie fossile ». En France, la production d’hydrogène à partir d’énergie fossile représente un million de tonnes par an.
Clarifier la réglementation
Tous les experts auditionnés par la mission parlementaire le déplorent : la réglementation actuelle sur l’hydrogène n’est pas à la hauteur des enjeux. « Nous avons besoin d’un véritable choc de simplification pour développer cette énergie. Notre texte réglementaire de référence sur l’hydrogène dans les bâtiments date de 1980 ! » ironise Daniel Hissel.
« L’absence de feuille de route et de vision à long terme des pouvoirs publics pour développer une filière française compétitive pour l’hydrogène nous pénalise, insiste Philippe Boucly, président de l’AFHYPAC (1). Les modes de soutien sont inadaptés et nous n’avons pas de visibilité sur les dispositifs de soutien. Par exemple, le bonus pour les véhicules propres est attribué tous les ans alors qu’il nous faudrait un soutien clair sur cinq ans. » [...] « Il faudrait aussi savoir sur l’État prévoit la mise en place d’une taxe sur l’hydrogène à moyen terme », ajoute Daniel Hissel.
Pas d’argent mais des idées
« Nous n’avons pas beaucoup de moyens et surtout pas beaucoup de soutien, constate Philippe Boucly. Heureusement, la filière ne manque pas d’idées. La création d’une structure comme France Transition pourrait être un élément pour nous aider à réduire le risque financier lié à notre développement. Il faut rappeler que nous sommes sur une filière mature sur le plan technologique mais encore très chère. Nous n’avons pas les tarifs de rachat dont bénéficient d’autres filières de production d’électricité décarbonée. »
Opposition des filières traditionnelles.
Daniel Hissel lance un pavé dans la mare en évoquant les obstacles mis en place par certains lobbys. « C’est logique de rencontrer des freins, précise le chercheur. On est dans une logique de substitution. Les acteurs de demain ne seront pas forcément ceux d’aujourd’hui. Ce changement de paradigme n’arrange pas les acteurs d’aujourd’hui, au premier rang desquels les pétroliers. Mais nous devons aussi faire face à des levées de boucliers de certains corps de métiers dans le domaine du génie thermique, par exemple, puisque la production de véhicules à hydrogène fait appel à du génie chimique et électrique. »
Transformer les réseaux de gaz
Sans viser les objectifs de la ville de Leeds (Angleterre), qui va transformer l’ensemble du réseau de transport de gaz en réseau de transport d’hydrogène, Engie est appelé à réfléchir sur la logistique de la distribution de l’hydrogène. Alice Vieillefosse, directrice de cabinet du directeur général de l’Energie et du climat au ministère de la Transition écologique et solidaire, a ainsi rappelé que le gestionnaire de réseau devait remettre un rapport final sur l’injection d’hydrogène dans les réseaux de gaz existants en 2019.
Priorité aux véhicules lourds et flottes captives
La directrice de cabinet a décliné d’autres points du plan gouvernemental pour le développement de l’hydrogène comme la priorité mise sur les véhicules lourds, le maritime et le ferroviaire avec un objectif de 800 à 2 000 véhicules d’ici à 5 ans. Cet objectif n’est toutefois qu’indicatif, ce que regrette la filière. La contribution des agriculteurs, que ce soit pour l’utilisation de véhicules à hydrogène ou en tant que producteurs de cette énergie, n’a jamais été évoquée.
(1) Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible.