Les comptes prévisionnels de l’agriculture pour 2017, publiés le 14 décembre 2017 par l’Insee, dévoilent un revenu par actif non salarié (1) pour la branche agricole (2), en hausse de 22,2 % par rapport à 2016. Cet indicateur donne une estimation du solde disponible pour la rémunération du travail des exploitants et pour le financement des investissements.

La valeur de la production se redresse

Après une année catastrophique en 2016 pour la majorité des secteurs de production, la valeur de la production se redresse de 2,4 %. En céréales, les volumes produits sont en hausse pour la première fois depuis trois ans (+4,9 %), favorisés par les bonnes conditions climatiques et l’augmentation des surfaces en betteraves. À l’inverse, les prix repartent à la baisse (–4,4 %) principalement sous l’effet de l’effondrement des prix de la pomme de terre (–40 %).

En élevage, les volumes produits sont en repli de 1,3 % (–2 % en bovins, – 3 % en porcins, +3 % pour les œufs). Pour la première fois en quatre ans, les prix se redressent (+7,3 %) : +6 % en porcs avec un bon début d’année, +14 % pour le lait et +19 % sur le prix des œufs.

Les charges (engrais, produits phyto, carburant…) diminuent de 2,3 %. Elles sont en baisse pour la quatrième année consécutive. Il est à noter la facture énergétique qui augmente de 8,9 % faisant suite à la remontée du prix des carburants.

Le niveau des subventions est stable, la hausse du crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises compenserait la diminution des aides conjoncturelles.

Les subventions d’exploitation s’élèveraient à 8,2 milliards d’euros pour 2017. © Insee d’après le ministère de l’Agriculture

La valeur ajoutée brute au coût des facteurs (3) par actif non salarié progresse de 13 %. Le nombre des actifs non salariés est toujours en baisse : – 2 % par rapport à 2016.

Ces données pour 2017 sont prévisionnelles. Elles sont établies par l’Insee avec une approche macroéconomique (et non à partir des comptabilités agricoles) et à partir des informations au 1er novembre. Elles pourront faire l’objet de réajustement lors de la publication des comptes provisoires en juillet 2018 et des comptes définitifs à la fin de 2018.

Un sursaut précaire

« Le sursaut constaté sur le revenu des agriculteurs paraît bien précaire, dans un contexte où les prix s’inscrivent dans un cycle baissier, et où le libre-échange se généralise par la voie des accords commerciaux préférentiels, ouvrant davantage le marché européen aux productions canadiennes (Ceta), ukrainiennes, demain celles du Mercosur », rappelle l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Une fausse bonne nouvelle

« L’augmentation du résultat des exploitations pour 2017 ne compense pas la forte baisse enregistrée en 2016. C’est une fausse bonne nouvelle », estime la FNSEA. Et elle renchérit en se demandant : « Quand les agriculteurs pourront-ils enfin vivre dignement de leur travail ? »

Chez les producteurs de blé (AGPB), c’est l’inquiétude. « Depuis cinq ans, le secteur céréalier traverse une crise économique sans précédent. Si la récolte de 2017 permet d’expliquer en grande partie l’amélioration des résultats prévisionnels, elle ne compensera pas les pertes de l’année 2016, en raison des prix toujours très bas », détaille Philippe Pinta, président de l’AGPB.

Pour la Coordination rurale (CR), il ne suffit pas que la Commission des comptes de l’agriculture de la Nation (CCAN) prévoie une hausse du revenu de la branche agricole par actif non salarié pour que les exploitations se portent mieux. L’Organisation des producteurs de grains (OPG) de la CR dresse un bilan bien plus négatif de la situation et estime que les chiffres de la CCAN ne sont pas établis avec de bonnes bases, et qu’ils sont donc trompeurs.

La Fédération nationale porcine (FNP), de son côté, rappelle que « oui l’année 2016 a été bonne pour les éleveurs de porcs mais c’était une nécessité ! L’amélioration de la conjoncture a essentiellement permis de renflouer les pertes des années précédentes, et cela n’a pas suffi pour tous. Le cours s’est replié de 20 % depuis l’été, les éleveurs de porcs français restent inquiets pour leur avenir. »

« Ces résultats prévisionnels pour 2017 mettent en lumière un revenu agricole qui joue aux montagnes russes sans amélioration significative de tendance depuis 5 ans, constate la Confédération paysanne. Nos revendications sont toujours plus légitimes : contrôler les prix agricoles, stopper les négociations des traités de libre-échange et réorienter les aides de manière plus équitable. »

Marie Salset

(1) Le revenu agricole tel qu’il est calculé ici correspond à : valeur ajoutée brute au coût des facteurs (3) – consommation de capital fixe (qui correspond aux amortissements en comptabilité privée) – rémunération des salariés – intérêts – charges locatives.

(2) La branche agricole comprend l’ensemble des exploitations agricoles (de grandes à très petites), ETA, Cuma et lycées agricoles.

(3) Valeur ajoutée brute : production + subventions – impôts fonciers et autres impôts sur la production – consommations Intermédiaires.