« C’est une révolution, un revirement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Et l’arrêt relattif à l’endive devient probablement l’un des arrêts les plus importants de la politique agricole », se réjouit Pierre Morrier, du cabinet Alinea, l’un des avocats des endiviers incriminés par l’Autorité de la concurrence en 2012 pour avoir notamment fixé des prix de vente minimaux.

« La Cour de justice va au-delà même du règlement omnibus, poursuit-il. Elle dit bien que dès lors que l’AOP poursuit un des objectifs qui lui ont été assignés, comme la stabilisation des prix, elle va avoir le droit d’échanger des informations stratégiques, de parler de volume comme de politique tarifaire. »

Décision de la Cour de cassation en 2018

L’arrêt rendu le 14 novembre 2017 par la CJUE, plus sibyllin, est cependant loin d’être décisif. Et c’est bien à la Cour de cassation de rendre la décision finale, au regard des réponses données par la CJUE. Cette décision pourrait intervenir au cours du premier semestre de 2018.

En attendant, ce que dit la Cour de justice est qu’une concertation sur les prix et les quantités entre plusieurs organisations de producteurs agricoles (OP) et associations de telles organisations (AOP) peut constituer une entente au sens du droit de la concurrence. Toutefois, poursuit la CJUE, « une telle pratique est permise au sein d’une même OP ou AOP, si elle répond de manière proportionnée aux objectifs assignés à cette organisation ou association ».

Les explications de la Cour de justice de l’UE

Dans un premier temps, la Cour rappelle que la Pac prime sur les objectifs de concurrence, au regard du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Certaines pratiques peuvent, en conséquence, être exclues du champ d’application du droit de la concurrence. Ce qui ne signifie pas pour autant, souligne-t-elle, que l’organisation commune des marchés (OCM) des produits agricoles ne constitue pas un espace sans concurrence.

La Cour rappelle encore que les pratiques mises en œuvre par une OP ou une AOP reconnue par un État membre doivent être internes pour pouvoir échapper à l’interdiction des ententes. Ce qui n’est pas cas de pratiques convenues entre plusieurs OP et/ou AOP, et, a fortiori, des pratiques impliquant des entités non reconnues par un État membre.

« Seules les pratiques qui s’inscrivent dans la poursuite des objectifs assignés à l’OP ou à l’AOP concernée peuvent échapper à l’interdiction des ententes. C’est le cas des échanges d’informations stratégiques, de la coordination des volumes de produits agricoles mis sur le marché ainsi que de la coordination de la politique tarifaire des producteurs agricoles individuels lorsque ces pratiques visent effectivement à réaliser les objectifs assignés aux OP et AOP concernées et y sont strictement proportionnées. »

Un bémol qui peut peser

Seule ligne rouge : la fixation collective de prix minimaux de vente au sein d’une OP ou d’une AOP ne peut être considérée comme étant proportionnée aux objectifs de régularisation des prix ou de concentration de l’offre. En l’occurrence, lorsqu’elle ne permet pas aux producteurs écoulant eux-mêmes leur propre production de pratiquer un prix inférieur aux prix minimaux et qu’elle a pour effet d’affaiblir le niveau déjà réduit de concurrence existant sur les marchés de produits agricoles.

Pour l’avocat Pierre Morrier, les endiviers s’inscrivent bien dans le cadre permis par la CJUE. Décision au début de 2018.

Rosanne Aries