Le budget est devenu « le phare des négociations Pac », mais ce qui importe pour le le cercle de réflexion Saf Agridées, qui organisait ce jeudi 14 juin 2018 dans ses locaux parisiens une table-ronde consacrée à la future Pac, c’est de « lui redonner du sens ». Sans nier la nécessité d’un budget à la hauteur des enjeux, le think-tank semble prêt à bousculer le culte du DPB.
« On ne peut pas appeler politique agricole le fait de ne surtout rien faire afin de conserver des montants maximaux de DPB », lâche, un brin provocateur, son délégué général Patrick Ferrère. Le cercle de réflexion ne propose pas de révolution, le délai est trop court, mais souhaite une vraie évolution pour rendre la Pac plus légitime et plus équitable, notamment via une réelle harmonisation des règles, des montants d’aides et des sanctions, assortie d’une communication efficace envers les citoyens européens.
Et au vu de la proposition faite par la Commission européenne, la Saf craint pour le « C » de l’acronyme Pac : « La subsidiarité, c’est presque le début d’un cancer pour cette politique agricole commune ! »
Flexibilités nationales
Participant à la table-ronde, Pierre Bascou, de la DG Agri, a fait de son mieux pour le rassurer. Rappelant d’abord que de nombreuses marges de manœuvre nationales existent déjà au sein des deux piliers, et se traduisent par une extrême lourdeur administrative, il a affirmé que la proposition porte bien sur une « politique commune en termes d’objectifs et d’instruments, mais avec une flexibilité au niveau des États afin d’accroître l’efficacité de chaque euro dépensé ».
Analyser la pertinence des soutiens
Vu comme ça, tout le monde est à peu près d’accord… À condition que cette évolution soit bien gérée, a mis en garde Paolo Di Stefano, directeur de la Coldiretti, principal syndicat agricole italien. Et de rappeler que « la Commission conserve l’énorme responsabilité d’assurer la cohérence de la Pac ». Là encore, la DG Agri veut rassurer : la cohérence sera même augmentée.
« Dans les plans stratégiques, les États membres devront justifier leurs décisions d’octroyer des soutiens de telle ou telle manière en fonction des objectifs identifiés, ce qui n’est pas le cas actuellement, a expliqué Pierre Bascou. Le contrôle de la Commission porte aujourd’hui sur la conformité des aides aux règles, mais pas sur leur pertinence. »
La cohérence avec les autres politiques européennes serait aussi renforcée car les décisions de valider les plans nationaux seront prises par le collège des commissaires, où tous les services de la Commission sont représentés.
Indicateurs de résultats
La Commission promet de gagner en « lisibilité, efficacité et légitimité ». Revers de la médaille : « ce sera un peu plus lourd qu’actuellement pour les administrations nationales », concède Pierre Bascou.
Un représentant du ministère de l’agriculture, justement, s’est inquiété des indicateurs qui seraient utilisés afin de mesurer l’atteinte des objectifs, puisque la future Pac souhaite passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat. « Il y aura encore des obligations de moyens qui seront contrôlées », a nuancé Pierre Bascou.
Et pour cause : évaluer uniquement sur les résultats mettrait une pression insupportable et injuste sur les agriculteurs : « On ne peut pas exiger des agriculteurs qu’ils soient responsables à 100 % de la qualité de l’eau ou de la qualité de l’air… » Comme quoi la Commission européenne ne manque pas toujours de bon sens !