Les cahiers sales, mal notés, raturés sont-ils une garantie de l’usage d’un matériel ? Pour certains cela suffit. Mais Antoine Dequidt a voulu aller plus loin. Céréalier et planteur à Ramecourt, petit bourg du Ternois, il s’est octroyé l’aide d’Alexandre Cuvelier, ingénieur informaticien, pour créer un « mouchard », c’est-à-dire un boîtier connecté enregistrant l’utilisation géographique et temporelle d’un outil. Depuis notre rencontre en décembre 2016, lors de la mise au point de la première série, quand le boîtier s’apprêtait seulement à être appelé Karnott, la petite entreprise ConnectAgri d’Antoine Dequidt a réalisé un beau parcours, et ne connaît pas la crise. C’est même désormais vers l’étranger que se tourne la start-up. « Nous allons étudier le marché canadien dans un mois, se réjouit Antoine. De la même façon, nous avons testé le Benelux, mais en plus nous allons y commercialiser le boîtier. Les pays d’Europe du Sud nous intéressent aussi. » Antoine et Alexandre accompagnent leurs ambitions commerciales de 11 salariés recrutés ces derniers mois. « Cela n’aurait pas été possible sans la participation du fonds d’investissement Leap Ventures ni de business angels (1), confie Antoine. Ceux-ci nous aident beaucoup sur la performance d’usage de Karnott et sur l’activité à l’étranger. »

Se rendre indispensable

Antoine n’aurait sûrement jamais imaginé cette aventure à son installation sur 220 ha de la ferme familiale, il y a plus de seize ans. « J’ai même cultivé 360 ha à partir de 2005 », se souvient-il. L’incendie de 600 m2 de granges a ensuite provoqué une reconversion de cette partie de la ferme. « Avec mon épouse Aline, nous avons créé en 2012 des salles de séminaires pour entreprises. » À l’image de la vieille grange inutilisée, Antoine a ensuite eu l’idée de moderniser la prise de notes. Il partageait alors tout son matériel. Mais nul besoin de flammes pour « rafraîchir » cet usage du carnet. La rencontre d’Alexandre puis les premiers essais avec un groupe de 30 exploitants en Cuma ont suffi à (se) convaincre. En quelques mois, Antoine est passé de l’idée à « la solution addictive. L’objectif avec Karnott, c’est que le boîtier se rende indispensable ».

Antoine et Alexandre y croient dur comme fer. Salons agricoles, collectivités, industriels du machinisme, distribution, bureaux à Lille, Rodez et Angoulême, etc. le duo multiplie les prospections et les rendez-vous. Des ventes à l’étranger et une seconde levée de fonds leur ouvriraient les portes de la rentabilité. C’est certain, pour eux, 2018 sera synonyme d’année épique.

(1) Personne physique qui investit à titre individuel au capital d’une entreprise innovante, à un stade précoce de création ou en début d’activité.