À la campagne, n’espérez pas les mêmes services qu’en ville pour garder vos bambins. En 2015, l’observatoire national de la petite enfance estime que, pour 100 enfants de moins de trois ans, les communes rurales disposent de 39 places d’accueil, contre 56 potentiellement disponibles au niveau national (tous modes de garde confondus). Par conséquent, six petits « ruraux » sur dix sont gardés la plupart du temps par leurs parents, par choix ou par nécessité. La famille et les grands-parents, s’ils n’habitent pas trop loin, seront alors mis à contribution.
Certes, faire ses premiers pas dans le giron familial fleure bon la tradition… Mais ce n’est pas du goût de tous les parents. À leur premier enfant, 75 % des nouvelles mères conservent un emploi, et pour un quart d’entre elles à temps partiel (Insee, 2014). Quand elles ont plusieurs enfants, elles ne sont plus que quatre sur dix à travailler à l’extérieur. Conserver une vie professionnelle et sociale est donc une revendication forte des femmes d’aujourd’hui. Pour y parvenir, elles devront trouver les relais adaptés. Or ces relais manquent partout en France : 44 % des moins de trois ans ne disposent toujours pas de mode de garde formel extra-familial.
Manque de crèches
L’offre de garde est non seulement insuffisante, mais elle est également mal ajustée à la demande des parents. Ces derniers plébiscitent les structures collectives – crèches ou haltes-garderies – pour leurs petits, affirme une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined). Les crèches favoriseraient l’éveil, l’autonomie et la sociabilité des enfants, des apprentissages précieux pour leur épanouissement. Sans compter l’amplitude horaire, la souplesse de l’emploi du temps, et la garantie du personnel disponible.
Les communes rurales en sont particulièrement dépourvues : à peine 7 % des petits ruraux trouveront une place en crèche – deux fois moins que leurs homologues des grandes villes (14 %) et trois fois moins qu’à Paris (24 %). Onze départements (Cantal, Cher, Vendée, Manche, Mayenne, Sarthe, Haute-Saône, Haute-Marne, Somme, Aisne et Pas-de-Calais) sont particulièrement sous-dotés en établissements d’accueil collectif.
Limite financière
Ce déficit s’explique largement par les contraintes financières : comment une petite commune peut-elle investir dans une structure collective, puis en assurer le fonctionnement chaque année ? « L’investissement de départ dans une crèche est de l’ordre de 34 000 € par place, estime Dominique Marmier, président de l’association Familles rurales. Et la commune doit aussi prendre à sa charge les coûts de fonctionnement annuels, d’environ 3 000 € par enfant. » Un engagement financier sur le long terme qui a de quoi refroidir les élus. D’autant qu’il faut s’assurer que les effectifs d’enfants seront suffisants dans la durée.
Une solution pourrait être la mutualisation des moyens. « Il est nécessaire de s’organiser entre communes pour offrir des services complémentaires, soutient Olivier David, géographe et président de l’université de Rennes 2. La proximité de l’offre peut s’imaginer à l’échelle d’un bassin de vie. La coopération des collectivités, entre communes mais également avec le Conseil départemental, permettrait un meilleur maillage territorial des services. »
C’est ainsi que se sont organisés six villages de Haute-Saône regroupés dans la communauté de communes du Pays riolais, qui a pris la compétence « petite enfance ». « Nous formons un ensemble de 12 000 habitants, explique Roger Renaudot, maire de Voray-sur-l’Ognon, l’une des six communes. Nous disposons de trois crèches pour un total de 90 places, réservées aux enfants du territoire. Le budget communautaire assure le fonctionnement. » Ici, tout est géré en direct, car c’est « moins cher que la délégation de services », assure le maire. Les salaires des agents représentent le plus gros des dépenses. Pour l’accueil de la trentaine d’enfants de la crèche de Voray, les prestations sociales et les familles en financent respectivement 57 % et 28 %. Il reste 46 000 € à la charge de la collectivité, soit 15 %. Un coût assumé par l’édile, fier de cette « première crèche créée en milieu rural il y a trente ans ! ». Parmi les bénéficiaires de sa commune, quelques jeunes ménages d’agriculteurs apprécient que la crèche ouvre ses portes de 7 h à 19 h. Bien pratique pour les éleveurs, qui doivent s’organiser avec des horaires de travail atypiques.
Mais tous les parents des zones rurales n’ont pas cette chance. Quand ce n’est pas un problème d’attribution de place, c’est la distance qui peut être un obstacle, ajoute Jacqueline Cottier, présidente de la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA. Quelle alternative pour ces parents éloignés ? Leur principal recours sera de faire appel à une assistante maternelle. Leurs services sont particulièrement sollicités dans l’Ouest et le Centre (voir carte ci-dessus), où quatre enfants sur dix leur sont confiés.
Nourrice, le mode de garde le plus courant
En dehors des parents, les nourrices sont le mode de garde privilégié à la campagne. Ce métier s’est professionnalisé, avec désormais un agrément délivré par le président du Conseil départemental. En principe, chacune peut accueillir jusqu’à 4 enfants simultanément (les siens de moins de trois ans compris). Elle est, en général, employée directement par les parents pour un salaire minimum de 2,7 € brut/heure par enfant gardé. Toutefois, son tarif sera fonction de l’offre et de la demande. En moyenne, les parents doivent avancer 514 € par mois, selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), pour 139 h de garde chez la nourrice. Un budget qui tombe à 195 € après déduction du complément de libre choix du mode de garde (CMG) et du crédit d’impôt. Certes, le coût net moyen d’une nourrice (1,4 €/h) est proche de celui de la crèche (1,2 €/h). Mais ces moyennes cachent des écarts et les tarifs, comme les prestations, dépendent des revenus du foyer. Ainsi, pour les ménages les plus modestes, l’accueil individuel reviendra plus cher qu’en structure collective. Une heure chez une assistante maternelle reviendra à 1 € net, contre 0,6 € en crèche. Et pour payer la première, il y aura plus de trésorerie à avancer chaque mois. Deux arguments financiers militant en faveur du développement de l’accueil collectif en zone rurale.
En règle générale, les assistantes maternelles accueillent les enfants à leur domicile. Pour rompre leur isolement et disposer de lieux d’échanges et d’accompagnement, elles peuvent se retrouver dans des relais assistantes maternelles (Ram). Gérés par une collectivité ou une association et animés par des professionnels, les Ram sont aussi des lieux précieux pour les familles. Elles y trouvent les informations sur les modes d’accueil disponibles dans leur secteur, ainsi qu’un soutien sur les questions de parentalité.
Depuis 2010, les assistantes maternelles agréées peuvent se regrouper – à quatre maximum – au sein de maisons d’assistantes maternelles (Mam). Elles restent employées directement par les parents et conservent la limite de quatre enfants maximum chacune. Il existait 1 220 Mam en 2014. Cette formule permet la mutualisation des énergies et des moyens. Et pour les enfants, c’est l’apprentissage de la vie en collectivité.
La microcrèche : le bon compromis
Que le mode de garde soit individuel ou collectif, le milieu rural souffre d’un déficit de places d’accueil des enfants. Pour rattraper ce retard, et au nom de l’égalité des chances sur le territoire, la MSA appuie les initiatives de groupe : Ram, Mam et, depuis quelques années, les microcrèches. Ces petites structures, accueillant moins de 10 enfants, sont adaptées aux zones rurales. Elles se développent à grande vitesse et représentent aujourd’hui 5 % de l’offre d’accueil collectif. Comme les crèches, elles peuvent être gérées par la collectivité publique, une association ou une entreprise. Dans plusieurs départements à faible densité (Creuse, Dordogne, Corrèze, Lot, Cantal, Lozère, Hautes-Alpes et Haute-Marne), elles offrent déjà entre 1,3 et 3,7 places pour 100 enfants. Une solution pour les familles du monde rural ? Le nouveau ministère de la Santé et des solidarités a promis d’améliorer les solutions de garde d’enfants. Autant dire que ces mesures sont attendues.