Cette année, la croissance de l’herbe est une fois encore atypique. À peine les vaches étaient-elles sorties de la stabulation dans certains secteurs, que le ralentissement important de la pousse a contraint les exploitants à rentrer une partie des lots ou à les affourager au pré. Le niveau très faible des stocks en fin d’hiver a fait craindre le pire. Le retour de la pluie début mai apaise les esprits, mais la croissance reste mesurée.

Dans l’Est, à la ferme expérimentale Arvalis de Saint-Hilaire-en-Woëvre (Meuse), la pousse mesurée autour du 7 mai 2021 s’affiche à 40 kg de MS/ha/jour. « C’est un niveau que nous observions plutôt à la mi-avril lors des dernières années », explique Didier Deleau, ingénieur régional fourrages. Les quantités contrôlées chaque semaine sont par ailleurs très irrégu­lières. La sécheresse d’avril, avec 43 % de déficit hydrique, a aussi pénalisé la croissance. La ferme a toutefois effectué des fauches à la fin du mois, « bien plus précocement que d’habitude, précise Didier Deleau. Nous nous sommes adaptés à la situation. Dans certaines prairies, les plantes les plus précoces (vulpins par exemple) montaient rapidement à épi. Nous avons préféré les récolter en enrubannage pour miser sur les repousses. Les rendements, pour la période, restent corrects autour de 1,9 t de MS/ha pour les prairies perma­nentes et 3 t de MS/ha pour les prairies temporaires. » Printemps après printemps, les dates de références n’ont plus de sens. L’importance de l’observation est renforcée.

Réviser le chargement

« Nous espérons un pic de production des prairies à la mi-mai autour de 90 kg de MS/ha/j et pour quelques semaines », ajoute-t-il. Malgré le ralentissement de la pousse, le troupeau n’a pas consommé de surfaces prévues pour la fauche, mais de nombreuses exploitations y ont eu recours. La ferme expérimentale a poursuivi rigoureusement le pâturage tournant sur les parcelles, sachant que le chargement était un peu plus faible que les années précédentes : autour de 40 ares par UGB, contre 35 ares habituellement. La question du chargement devient cruciale lorsque la production fourragère varie d’une année sur l’autre. Pour Julien Fradin, de l’Institut de l’élevage, « si le manque de fourrages est régulier au cours des cinq dernières années, il mérite d’être reconsidéré ». En attendant, pour tirer parti de l’offre sans la gaspiller, il convient d’être opportuniste. « Il faut veiller à diminuer progressivement la ration des laitières à l’auge afin de ne pas sous-pâturer les parcelles », préconise l’Observatoire régional de la croissance de l’herbe dans son bulletin du 9 mai.

À l’Ouest, à la ferme expérimentale Arvalis de La Jaillère (Loire-Atlantique), depuis début avril, la croissance est restée inférieure de 20 à 50 % à la moyenne. « Les petites terres peu profondes sont les premières à avoir décroché en raison du déficit hydrique, mais toutes ont souffert des gelées, souligne Anthony Uijttewaal, ingénieur à la station. L’aspect positif de ce printemps, ce sont les conditions de pâturage qui ont été bonnes. » L’absence de pluie a aussi été favorable aux récoltes précoces dans la zone. Elles ont pu se dérouler à des stades jeunes au regard des sommes de températures atteintes. « Les tonnages récoltés sont inférieurs à la moyenne, constate Anthony Uijttewaal. La récolte a eu lieu à un stade précoce (courant montaison) sous des conditions froides et avec beaucoup de rayonnement, ce qui a favorisé l’accumulation de sucres dans la plante. Cette teneur inhabituelle en sucres, ajoutée à de bonnes conditions de préfanage, a pu rendre le fourrage collant lors de la récolte. Les ana­lyses devraient toutefois être bonnes en ce qui concerne l’énergie. La valeur protéique dépendra quant à elle des apports d’azote. Ils n’ont pas toujours pu être valorisés correctement par la plante en raison du manque de pluie et la minéralisation n’a pas pu accompagner. »

Le méteil assèche le sol

La récolte du méteil riche en protéa­gineux est une première à La Jaillière. Elle a eu lieu le 26 avril. Le rendement, de 4 t de MS/ha, est satisfaisant surtout compte tenu de l’excès d’eau sur la parcelle en fin d’hiver. « La culture du méteil a cependant asséché le sol et retardé le semis du maïs, précise Anthony Uijttewaal. Il a fallu attendre le retour des pluies pour le semer le 6 mai. » La plus grande partie des semis de maïs, derrière des couverts, a eu lieu fin avril dans de bonnes conditions. « La pluviométrie sera déterminante dans les prochains jours. La fertilisation azotée en fonction des prévisions météo constitue un bon levier pour stimuler la pousse des prairies des prochaines semaines », insiste Anthony Uijttewaal.

Marie-France Malterre