L’instauration d’un registre des actifs agricoles cache un débat symbolique sur ce qu’est aujourd’hui un agriculteur. J’ai toujours été sceptique sur l’idée d’un registre, car je ne vois pas bien comment concilier l’approche objective classique, qui vise à appréhender le droit rural au travers de la définition de l’activité agricole, avec une approche subjective qui consisterait à définir l’agriculteur pour lui accorder des droits (aides, contrôle des structures…). La définition actuelle de l’activité agricole est imparfaite, mais elle a le mérite d’offrir une certaine sécurité juridique. Si on mélange ces deux clés d’entrée (l’acte et l’individu), se posera fatalement la question du sort de l’agriculteur qui exercerait une activité agricole au sens du code rural, mais qui ne figurerait pas sur le registre… Serait-ce un agriculteur clandestin ?
Tout se passe comme si le registre de l’actif agricole s’était construit sur un mode défensif, en réaction à une évolution de la manière d’exercer l’activité agricole. Certains ne s’y retrouvent plus et se posent la question du modèle à définir, l’objectif étant d’inscrire uniquement ceux qui seraient considérés comme vertueux. Une telle approche revient à graver un modèle dans le marbre, sans laisser la place aux évolutions, aux adaptations.
Nous pourrions au contraire envisager l’outil de manière positive, en l’inscrivant dans une vision dynamique, d’intégration et non d’exclusion. Il conviendrait alors de repenser la définition de l’activité agricole en lui reconnaissant sa multifonctionnalité.
Les activités paracommerciales qui ont pour support l’exploitation, physique ou économique, devraient être réputées agricoles dès lors qu’elles sont réalisées par une personne exerçant une activité agricole par nature. Le registre jouerait alors le rôle de garde-fou : seuls les inscrits pourraient bénéficier de cette vision élargie de l’agriculture. Toute la difficulté serait de faire la preuve de l’exercice d’une activité agricole par nature…
Nous sommes encore très loin d’une telle approche. Le sujet du bon et du mauvais agriculteur a été lancé, mais personne ne s’est entendu sur les critères à mettre en place. Il en résulte que le registre n’exclut quasiment personne, et sa portée demeure limitée. Mais l’outil existe désormais et nul ne peut prédire ce qu’un législateur en fera demain.