Flamberge au vent, Emmanuel Macron a passé plus de douze heures dans les allées du Salon international de l’agriculture, contraint parfois de riposter aux critiques faites à son gouvernement. Deux jours avant l’inauguration de l’événement, le chef de l’État avait prévenu qu’il n’était pas là pour plaire. Et sa visite fut à des kilomètres de l’opération séduction. Difficile de passer à côté de ces images, diffusées en boucle ce week-end par les médias, d’un Macron sur les dents, à la limite « d’engueuler » un céréalier remonté contre l’interdiction du glyphosate. Dommage. Car s’il est indéniable que le président n’a pas pu faire l’économie du chahut et des sifflets - comme n’importe quel homme politique d’ailleurs -, sa visite était aussi un appel au dialogue, une manière de se rapprocher d’un milieu qu’il connaît peu.
Dans le hall 1, qui regroupe les filières d’élevage, Emmanuel Macron a aussi souri, serré des mains, et pris le temps d’échanger avec des éleveurs inquiets, mais calmes. D’ailleurs, loin du branle-bas de combat provoqué par son passage, les discussions entre agriculteurs sont souvent sereines et rationnelles.
Discuter, pas s’opposer
« Le soutien de l’État est primordial, lance une éleveuse, la tête contre le flanc de sa vache. Si j’arrivais à parler avec le président, je ne voudrais pas m’opposer à lui, juste discuter. » Un peu plus loin, un éleveur estime qu’Emmanuel Macron « est le seul à pouvoir trouver des solutions à nos difficultés. Si nous voulons échanger, il faudrait avoir la maturité de s’écouter. »
D’une main de fer dans un gant de velours, le président reste rassurant et caresse parfois ses interlocuteurs dans le sens du poil. Ainsi se saisit-il de chaque ligne lancée au fil des rencontres dans les travées. Pac, relations avec les distributeurs, glyphosate, plan Loup, projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur… Tout y passe, plus ou moins habilement. Pour l’ouverture des vannes aux viandes sud-américaines, par exemple, il assure : « Jamais, je ne vous demanderai des efforts en laissant d’autres, qui sont soumis à d’autres règles, rentrer sur le marché. » Et d’insister : « Jamais ! » Deux jours plus tard, Cecilia Malmström, commissaire européenne au Commerce, annonçait pourtant être « très proche d’un accord » commercial, bien qu’il y ait encore « des questions agricoles à résoudre ».
L’Europe, toujours, n’en finit pas de provoquer des débats sur la Politique agricole commune. À quelques minutes d’une rencontre avec le commissaire européen à l’Agriculture, Emmanuel Macron déclare qu’il défendra « un mécanisme de garantie de prix minimum pour les éleveurs européens », sans quoi, « ce sera le marché du prix qui aura décidé pour nous ».
Le président n’a pas fait non plus l’économie des interrogations sur le plan d’investissement promis à l’agriculture, pour lequel il s’est engagé à hauteur de cinq milliards d’euros. Compte-t-il les trouver sous le sabot d’un cheval ? Non, il répond avoir « évoqué un milliard pour les garanties de haut de bilan et 900 millions pour le fonds de mécanisation » et que, « pour le reste, on fera des appels à projet ». Dans un registre plus léger, Emmanuel Macron ne repart pas les mains vides : point de caisses de vin ni de sacs de fromages, mais une poule, bien vivante, offerte par les poulets de Loué.