Paradoxe des dates, la France a retrouvé son statut « indemne » vis-à-vis de l’influenza aviaire hautement pathogène, alors même qu’elle entre dans une période à risque en termes de contamination, du fait des migrations saisonnières d’oiseaux sauvages. La situation en Italie n’est pas pour rassurer : la Botte compte désormais plus de 40 foyers, avec une accélération ces dernières semaines.

L’arrivée de nouveaux virus sur le territoire ne dépend pas de l’action humaine. Leur dissémination, si. La nécessité de respecter des mesures de biosécurité fait désormais à peu près consensus. Mais lesquelles ? Le débat continue de faire rage.

Mode d’élevage : tous concernés. Qu’ils soient de plein air ou en claustration, des élevages de tous types ont été contaminés lors des deux dernières crises. De plein air, ils présentent un risque d’introduire un virus par contact avec l’avifaune sauvage porteuse. En claustration, ils ne sont pas à l’abri, loin de là, d’une contamination par l’homme (bottes, matériel, etc.) via une faille dans la biosécurité.

Taille : chacun ses points faibles. Les structures de grande taille offrent davantage de supports (les volailles) pour la multiplication du virus. En filière longue, elles occasionnent davantage de transports d’animaux, donc de risque de dissémination. Pour leur part, les petits élevages ont parfois moins bien assimilé les protocoles de biosécurité, et « ces derniers sont souvent plus compliqués à mettre en place, du fait de configurations de locaux moins faciles à aménager », souligne Gilles Salvat, de l’Anses.

Densité : risque multiplié. Gilles Salvat est clair : « Les zones à forte densité d’élevage favorisent les épi­zooties ». Quand ils sont très concentrés, comme en Chalosse, une contamination de proche en proche peut aller très vite. La coopérative Maïsadour a décidé de réduire les densités dans ses élevages de canards, de façon à pouvoir confiner tous les animaux en cas de risque influenza modéré ou élevé, et imposera si besoin l’alimentation et l’abreuvement en bâtiment.

Nombre de bandes : une ou plus. Si Maïsadour s’en tient à la bande unique par unité de production, comme l’exige la réglementation, Euralis a décidé d’aller au-delà en imposant la bande unique par exploitation. « Ainsi, il y a un seul âge dans l’élevage, puis un vide sanitaire général de trois semaines, explique Jean-Michel Marsan, responsable du pôle élevage. Nous compensons les pertes pour les éleveurs – moins de bandes par an – en achetant plus cher les canards prêts à gaver (PAG). Et nous encourageons par des aides la construction de bâtiments pour compenser la baisse de volume. Nous imposons aussi un contrôle virologique entre les phases d’élevage et de gavage, même s’il n’y a pas de transport. »

Petits élevages : des dérogations. Pour les éleveurs autarciques en filière courte, il est impossible de mettre en œuvre les mêmes mesures que dans les grands élevages. Cette revendication, portée par la Confédération paysanne, le Modef et la Coordination rurale, a abouti, et un guide (1) est en cours de validation par le ministère de l’Agriculture. Il concerne les élevages de volailles de chair, de pondeuses et de palmipèdes gras.

Pour autant, les petits éleveurs réfutent être les principaux facteurs de risque de propagation du virus. Christophe Mesplède, éleveur à Lesgor (Landes) et membre du Modef, assène : « Arrêtons de stigmatiser les filières courtes, car elles aussi ont pris le temps de travailler sur les mesures de biosécurité. Les services vétérinaires savent que les efforts ont été faits. De plus, certaines mesures sont inadaptées, comme l’enregistrement des mouvements du personnel. »

Pour lui, le vrai problème reste le transport. Sur ce sujet, il renvoie la balle aux filières longues, qui ont « des bandes de prêts à gaver de plus en plus grosses, qu’il faut ensuite répartir chez différents gaveurs. Aujourd’hui, les transports sont repartis plein pot… »

Zonage : en remodelage. Pour réduire le risque lié au transport, Euralis a commencé à rebâtir l’organisation spatiale de sa filière canards gras en trois zones, équilibrées entre éleveurs et gaveurs. La distance totale parcourue par les animaux a été réduite de 20 à 25 %, la baisse des coûts induite compensant tout juste les investissements liés à la biosécurité. Chez Maïsadour, « nous avons pu faire un zoning autour de nos trois outils d’abattage, avec l’affectation des gaveurs au plus proche de l’abattoir, détaille Jean-Louis Swick, directeur des productions animales. Les différentes organisations de producteurs travaillent ensemble, afin qu’éleveurs et gaveurs soient eux aussi au plus proche. Désormais, c’est la cohérence entre éleveurs et gaveurs qui détermine le planning, et non plus l’abattoir ». Face à la hausse induite des coûts, le prix du PAG a été revalorisé de 10 à 15 % et répercuté auprès de la grande distribution.

« Nos chauffeurs et les éleveurs ont tous été formés à la biosécurité, on peut mettre tous les animaux à l’abri si besoin, et nous avons progressé sur les maillons à risque que sont le statut sanitaire des lots de PAG et le transport », récapitule Jean-Louis Swick, qui se dit serein pour la fin de l’année.

(1) « La biosécurité pour les petits élevages de volailles en circuits courts et en autarcie », élaboré par la Confédération paysanne avec l’appui de l’Itavi.