Processus naturel

Le lessivage des sols est un processus naturel. Sous l’action de l’eau, les particules fines d’argile sont emportées vers l’aval et entraînées en profondeur. Elles créent un « ventre d’argile » à 80 centimètres. Un sol lessivé est donc en surface plus pauvre en argiles et enrichi en profondeur.

Une chose est certaine, la mise en culture modifie les sols. Il est donc intéressant de quantifier cet impact. Le projet Agriped, mené entre 2010 et 2014 par une trentaine de chercheurs (1), nous a permis d’analyser de près le phénomène du lessivage par les eaux de pluies. Nous souhaitions vérifier les conséquences de pratiques agricoles en plein essor (réduction du travail du sol, amendements organiques) sur le lessivage. Est-il accéléré ou ralenti par la façon de travailler le sol ?

Nous avons effectué des recherches de terrain sur différentes parcelles expérimentales d’essai longue durée à Mons-en-Chaussée (dispositif Inra, Somme), Feucherolles (dispositif Inra/Véolia, Ile-de-France) et Boigneville (dispositif Arvalis, Ile-de-France), et également des simulations en laboratoire. Nous avons comparé des terres labourées de façon conventionnelle, non labourées, avec ou sans apport de matières organiques, au travail réduit pendant dix ans, quarante ans, une prairie de soixante-dix ans, et un sol de forêt témoin. Dans des fosses, nous avons prélevé les matériaux pour les analyser. Sur les sols travaillés se produit une accélération très légère de la migration des particules. Mais ce résultat n’est pas flagrant, juste significatif. Le travail du sol et l’apport de matières organiques n’ont pas de conséquences importantes sur la migration des particules pour les durées étudiées.

Le chaulage limite les pertes

Avant l’étude Agriped, chez un exploitant de l’Yonne, j’ai étudié des sols de grandes cultures, lessivés, dégradés. L’eau s’accumulant entre la surface et le ventre d’argile, l’agriculteur avait posé des drains, seize ans avant l’étude. Drainer accélère localement le départ des particules. L’influence du drain sur la composition du sol se fait sur 1 mètre de chaque côté des drains espacés de 15 mètres. Pas au-delà. En revanche, le sol agricole chaulé est moins lessivé que son voisin forestier. Ainsi, le chaulage limite les pertes de particules fines, le pH remontant de plus d’une unité sur 1,5 m de profondeur.

Vers la modélisation

Nous avons simulé le phénomène de lessivage des argiles en laboratoire, en veillant à rester dans des conditions les plus proches possibles de la réalité du terrain. Des colonnes de terre de 15 cm et 30 cm de haut ont subi une série de 30 pluies artificielles et les particules qui en sortaient ont été quantifiées. Certaines pluies ont eu lieu sous scanner médical pour regarder où passe l’eau, quelle est la porosité active du sol au cours d’une pluie, où se font les échanges dans le sol. A l’avenir, nous aimerions modéliser l’évolution des sols, pour prédire l’impact des actions de l’homme et des changements climatiques sur ces derniers, et doter de cet outil les professionnels.

(1) GSE et EMMA (Inra Paca), URSols (Inra Val de Loire), EGC (AgroParisTech), Cerege (UMR AMU-CNRS-IRD), LSCE (UMR CNRS-CEA).

Pour en savoir plus : http://agriped.cerege.fr/doku.php