Est-ce un effet des choix politiques concernant l’accueil des migrants en Allemagne (1,1 million en 2015, soit 3 000 à 4 000 arrivants par jour), mais le pouvoir central, ô combien personnifié par Angela Merkel, semble un peu sous tension en ce moment. Cette vibration affecte également les questions agricoles.
Tout d’abord, le pouvoir central – fédéral – doit tenir compte des pouvoirs régionaux – des Länder –, qui commencent à donner de la voix. Les ministres des Länder, car en Allemagne chaque Land a son propre gouvernement et ses ministres, se sont réunis en avril et se sont prononcés pour une régulation du marché du lait.
Si, si, régulation. Angela Merkel, à la surprise générale, car les questions agricoles ne sont pas au cœur de ses préoccupations, a embrayé et annoncé un plan d’aides le 10 mai. Pas de vraie régulation mais un plan d’aides tout de même, avec des mesures assez classiques, du genre année blanche pour les remboursements de prêts, allégement des cotisations sociales... Dans la foulée, le ministre de l’Agriculture, le Bavarois Christian Schmidt, a annoncé un sommet laitier avec producteurs, laiteries et distribution, prévu pour le 30 mai, en présence des ministres des Länder. La régulation sera au menu.
Ensuite, ça tangue aussi au sein de la coalition gouvernementale. Angela Merkel donne un remarquable sentiment de force et d’unité. Mais il faut rappeler qu’elle dirige un gouvernement de coalition. Avec le centre droit, lui-même composé de la CDU (démocrates chrétiens) et de la CSU (idem, mais version bavaroise) et le centre gauche du SPD, parti social-démocrate). Tout allait bien jusque-là. La cogestion à l’allemande réussissait à merveille. Mais une querelle intragouvernementale vient perturber l’atmosphère. Les ministres du SPD ont annoncé qu’ils n’approuveraient pas la prolongation de l’autorisation d’utilisation du glyphosate. Christian Schmidt a dénoncé cette obstruction, de telle sorte que personne ne sait comment l’Allemagne va voter dans les réunions ministérielles à Bruxelles.
Un flou qui n’a rien d’artistique et qui est bien embarrassant pour la Commission européenne, pour qui la position allemande pèse d’un poids incomparable dans les rouages institutionnels.
Ça va, vous suivez toujours ? Alors encore une petite couche. L’agriculture n’est pas du tout traitée comme en France. Ici, une manifestation ou un barrage fait la une de BFM TV. Outre-Rhin, la population est plutôt indifférente. L’Allemand raisonne en consommateur. Les prix baissent ? Tant mieux. De 30 % (baisse annoncée par les grandes surfaces pour 2016) ? Encore mieux ! Et puis, l’argument qui tue : les producteurs, en décidant d’augmenter leur production, sont les premiers responsables de la baisse des prix. Pas question de les aider.
Pas facile d’être aux manettes devant tant de pressions contradictoires. C’est presque aussi difficile que la loi travail.