Si l’interdiction des néonicotinoïdes a suscité des débats particulièrement animés dans l’Hémicycle, à l’occasion du passage en deuxième lecture du projet de loi sur la biodiversité, les députés sont aussi revenus sur d’autres sujets concernant de près le monde agricole.
- L‘Assemblée a notamment rétabli l’article 34, supprimé au Sénat, qui créait les zones prioritaires pour la biodiversité. Ces sortes de « ZSCE » biodiversité doivent permettre, au terme d’une période d’engagement volontaire, d’imposer aux agriculteurs certaines mesures par voie réglementaire afin de sauvegarder les habitats de certaines espèces protégées. Le gouvernement, lui-même, avait été favorable à sa suppression afin d’éviter des réglementations « excessives » et potentiellement « contre-productives », soulignant les efforts faits par les agriculteurs dans le cas du grand hamster d’Alsace notamment. Mais les députés l’ont rétabli en séance plénière, arguant que « des aides sont prévues pour le cas où des pratiques agricoles rendues obligatoires induiraient des coûts supplémentaires ou des pertes de revenus ». Visiblement, tout le monde n’a pas perdu ses illusions en matière de promesses budgétaires !
- Une volonté de sécuriser le dispositif des obligations réelles environnementales (servitudes environnementales pouvant être contractées volontairement par un propriétaire foncier) a échoué. Des amendements réclamant que soient mentionnées explicitement les contreparties que recevront ces propriétaires ont été rejetés. La démarche étant volontaire et individuelle, rien n’oblige le propriétaire à entrer dans le dispositif, et rien ne l’empêche de négocier dans son contrat lesdites contreparties.
En revanche, contre l’avis du gouvernement, les députés ont ajouté une condition à la signature de ces obligations : les détenteurs de droits autres que le preneur de bail, dont l’accord est déjà exigé, donneront également leur accord écrit (sont visés les chasseurs, détenteurs de servitudes de marchepied, etc.).
- Des amendements visant à encadrer un peu plus le dispositif de compensation écologique, notamment en supprimant les « réserves d’actifs naturels », soupçonnées d’entraîner une marchandisation de la biodiversité, ont été rejetés. Mais la secrétaire d’État à la Biodiversité a précisé que le décret d’application prendrait en compte toutes les inquiétudes exprimées. D’autre part, il est ajouté dans la rédaction du texte que les mesures de compensation doivent tendre vers une « absence de perte nette, voire un gain de biodiversité ». Histoire d’enfoncer le clou, cet objectif général figurant déjà dans les grands principes introduisant le projet de loi.
Les débats promettent d’être animés lors de la deuxième lecture au Sénat, au début de mai
- La mention explicite de la possibilité de donner une finalité environnementale au remembrement fait son retour dans le texte, après avoir été supprimée. À part ajouter quelques mots au texte de loi, l’impact de cette précision ne semble pas immense…
- La charge confiée au gouvernement de produire un rapport sur le classement du frelon asiatique comme « nuisible » est supprimée.
- L’article ajouté par le Sénat, qui imposait aux agriculteurs de transmettre systématiquement leur registre phytosanitaire à l’Administration, est supprimé.
- L’Assemblée a souhaité réviser la composition des comités de bassin et des conseils d’administration des agences de l’eau. Afin de « rééquilibrer » le poids des usagers économiques (dont les agriculteurs) et des usagers non-professionnels (dont les consommateurs et les associations environnementales), un amendement prévoit que d’ici à 2020, ces deux catégories occupent chacune 50 % des sièges dans le collège des usagers.
- Puisque les agences de l’eau verront leurs missions élargies, notamment au milieu marin et à la biodiversité terrestre, l’opportunité de créer de nouvelles redevances « sans alourdir la pression fiscale » sera étudiée. Ces recettes additionnelles, visant à maintenir le budget des agences, seraient issues des atteintes à ces milieux marins et à la biodiversité terrestre, garantissant le respect du principe « pollueur-payeur ».
- De la taxe sur l’huile de palme, qui a déchaîné presque autant de passion que les néonicotinoïdes, on retiendra surtout la décision d’affecter son produit au fonds qui gère la retraite complémentaire obligatoire agricole.
Sur ces sujets et bien d’autres – comme la brevetabilité du vivant, la gestion des fonds de cuve et les dérogations à l’interdiction de broyage des jachères, pour ne citer que ceux-là – , les débats promettent d’être encore animés lors du passage en deuxième lecture au Sénat, au début de mai. Le gouvernement souhaite une adoption définitive du texte pour l’été.