L’année 2016 a été ponctuée de plusieurs reportages de télévision à charge contre l’agriculture et son environnement. L’émission « Cash Investigation » de France 2 a tapé fort à deux reprises. Le 2 février, elle a consacré un numéro aux phytosanitaires, intitulé « Produits chimiques : nos enfants en danger ». Un reportage qui a jeté la suspicion sur l’industrie phyto et, par ricochet, sur les pratiques des agriculteurs. Quelques mois plus tard, le 13 septembre, l’émission ciblait cette fois l’industrie de la viande, expliquant comment était obtenue la couleur rose du jambon, par injection de nitrite.

Ces programmes ont suscité de vives réactions de la part du grand public, mais aussi du monde agricole et para-agricole. Si certains estiment que « le seul but de ce genre d’émissions est de jeter encore le discrédit et le doute des consommateurs sur l’agriculture française », d’autres y voient « une mise en lumière salutaire ». Dans tous les cas, ces émissions montrent le fossé d’incompréhension existant entre le monde agricole et le reste de la société. Celle-ci exige de plus en plus de transparence, à une époque où l’éloignement du monde rural s’accentue. Les racines agricoles font désormais partie d’un lointain passé pour la plupart de nos contemporains.

En parallèle, les habitudes de consommation évoluent, avec un rejet de plus en plus fréquent de la viande. Si les végétariens (ne mangeant pas de viande) et les végétaliens (ne mangeant aucun produit d’origine animale) restent largement minoritaires au pays de la gastronomie, leur nombre augmente et ils pèsent de plus en plus lourd dans le débat sociétal.

Le mouvement vegan (qui réfute l’élevage même) bénéficie de forts relais médiatiques, tels Franz-Olivier Giesbert, ancien patron de l’hebdomadaire Le Point, le présentateur Aymeric Caron ou le chercheur, devenu moine bouddhiste et écrivain, Matthieu Ricard. Voire de soutiens politiques parfois surprenants, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, devenu végétarien tout en avouant « craquer pour des encornets avec un peu d’ail. »

Cette tendance à une moindre consommation de viande est similaire dans les autres pays occidentaux, pour des questions environnementales, de santé ou de bien-être animal. Qu’on le déplore ou qu’on le juge salutaire, il faut en tenir compte. D’autant que cette question du bien-être animal est de plus en plus projetée dans les débats d’actualité entre vidéos trash dans les abattoirs et la création d’une plate-forme de revendication l’« Animal politique » lancée le 22 novembre par 26 associations animalistes. On ne peut plus se contenter de dire qu’il s’agit de bobos parisiens. Les interrogations fusent aussi en milieu rural.

La place de l’animal dans notre société fera partie des débats de la présidentielle. Et les questions portées par cette plate-forme portent en partie sur les animaux d’élevage (accès au plein air, interdire les cages, arrêter les pratiques douloureuses, étourdir tous les animaux à l’abattoir, créer un organe dédié aux animaux, indépendant du ministère de l’Agriculture).

Retour au local

Comment se rapprocher des consommateurs ? En ces temps de crise économique, les mouvements de retour au « local » et une quête de sens, peuvent finalement aider les agriculteurs à regagner de la valeur ajoutée. Ainsi, l’appétence pour les circuits courts ne faiblit pas. De même, le « made in France » est plébiscité dans les achats des ménages. Les marques qui fleurissent actuellement, s’inscrivent dans ces tendances (voir page 46). Elles peuvent être portées par des agriculteurs, comme Cant’Avey’Lot, Faire France ou le Lait de nos montagnes, ou créées par des petits malins qui ont vu tourner le vent, comme « C’est qui le patron ? ! », beau succès de com’.

Le bio est une autre piste, plus ancienne, qui mise sur la conscience écologiste des citoyens. La grande distribution estime qu’il s’agit là d’une évolution durable, qu’elle encourage par des contrats, souvent tripartites. Ces initiatives resteront sans doute minoritaires en termes de volume, du moins dans un futur proche, mais elles peuvent relancer l’intérêt de la société pour son alimentation, la façon de la produire, et au-delà pour ceux qui la produisent. Aux agriculteurs de s’en saisir, avant d’en être dépossédés par les transformateurs ou bien les distributeurs.