Pourquoi trouve-t-on une paille dans le sainte-maure-de-touraine ? Initialement, elle servait de support au fromage pour qu’il ne se casse pas. Avec la maîtrise des procédés de fabrication, elle est désormais facultative. Pourtant, l’AOP a décidé de la garder comme un signe distinctif et de traçabilité, en la gravant.
Le syndicat de l’AOP, regroupant éleveurs et transformateurs, a confié ce travail méticuleux à l’Association pour adultes et jeunes handicapés (fédération Apajh) de Bridoré, en Indre-et-Loire. « Eux seuls peuvent fournir sept millions de pailles gravées à un prix abordable de 36 € pour 1 000 pailles. Une entreprise privée prendrait quatre fois plus pour des pailles non gravées, affirme Cécile Gourinel, animatrice du syndicat de l’AOP. Et les producteurs sont fiers de proposer du travail aux personnes handicapées. Nous sommes indispensables les uns envers les autres. » L’Esat de Bridoré emploie une centaine de personnes en situation de handicap mental léger, dont 35 à l’atelier paille, et 16 salariés encadrants.
Une activité minutieuse
Sur plusieurs parcelles d’un total de 20 ha, l’Apajh cultive du seigle et de l’épeautre. La récolte des tiges n’est possible qu’avec de vieilles moissonneuses-lieuses des années quarante-cinquante. « Rosalie », la plus ancienne, n’est plus tirée par un cheval mais par un tracteur. Jean-Loup Gervais, éducateur spécialisé la conduit. « Elle a été réparée et adaptée par notre atelier mécanique et menuiserie », précise-t-il. Les épis sont ensuite coupés au taille-haie pour ne garder que la paille.
Dans l’atelier, des travailleurs coupent les tiges à 16 cm et vérifient manuellement que chaque brin n’est pas cassé. Les pailles sont ensuite pasteurisées et gravées au laser. « C’est un travail très long, demandant beaucoup de main-d’œuvre et d’expérience. Nous ne regardons pas la rentabilité et adaptons notre organisation au rythme et aux compétences de chaque personne. L’Etat finance les locaux et le personnel encadrant. La production de paille rémunère pour partie les travailleurs handicapés », dit Pascal Méreau, directeur adjoint de l’Apajh. Les pailles sont vendues au syndicat de l’AOP, qui les répartit entre 6 entreprises de transformation, 3 ateliers d’affinage et 40 producteurs fermiers.