La campagne 2016-2017 de blé est atypique, la filière entière le reconnaît et découvre au fil du temps les spécificités qualitatives de ces grains qui se sont développés dans des conditions jamais vues jusqu’alors. Cette année, France AgriMer estime un poids spécifique au plus bas, de 73 kg/hl en moyenne (contre 78 kg/hl habituellement), mais prévoit un taux de protéines qui bat tous les records. Ce taux, annoncé dans l’enquête réalisée auprès des collecteurs par France AgriMer et Arvalis-Institut du végétal, s’affiche à 12,6 % en moyenne. Alors qu’on s’attendait à la possibilité d’une valorisation de ces protéines remontées en flèche, c’est plutôt la douche froide.
Une qualité décevante
La surprise concerne la qualité, qui n’entrerait pas dans les normes, notamment pour les valorisations meunières et amidonnières.
D’abord, chez les meuniers : la composition des protéines contenues dans les grains de blé de cette année ne permettrait pas de rentrer dans les cahiers des charges de la panification de la baguette française. « Ces taux sont certes élevés, mais les protéines contenues dans les grains présentent des chaînes courtes, impropres à la panification française, car cela fragilise la pâte, qui ne monte pas suffisamment bien (lire l’encadré ci-dessous) », explique Bernard Valluis, président délégué de l’Association nationale des meuniers français (ANMF). De plus, « on estime aujourd’hui à seulement 45 % la proportion de blé situé au-dessus de la barre des 74 kg/hl (1). Malgré leur fort taux de protéine, le meunier français ne pourra pas valoriser ces petits grains », souligne-t -il.
La cadence ralentie
Chez les amidonniers, le constat est sensiblement le même. Le taux de protéines est plus élevé qu’à l’accoutumée, mais l’extraction de celles-ci du grain se révélerait plus difficile. « La cadence de nos process est ralentie. Nous nous sommes rendu compte que la forte proportion de protéines saturait les séchoirs, ce qui complique leur extraction dans leur globalité », explique Thomas Gauthier, délégué général de l’Union des syndicats des industries des produits amylacés et de leurs dérivés (Usipa).
Les amidonniers sont, eux aussi, préoccupés par la qualité. « Ce qui nous intéresse, ce sont les protéines insolubles. Il semblerait que la proportion entre celles insolubles et solubles ne soit pas suffisante. Ceci gêne l’extraction de gluten, dont l’impact ne peut pas être chiffré économiquement à l’heure actuelle », poursuit-il.
Par ailleurs, Arvalis-Institut du végétal, qui se penche également sur la question de la qualité, a constaté cette année une anormalité de la composition des protéines. « Cette situation pourrait être due à la faible température durant le mois de juin, où les protéines à chaînes longues n’ont pas pu se polymériser correctement », précise Benoit Méléard, responsable du pôle qualité technologiques et sanitaires des céréales chez Arvalis.
(1) Poids spécifique, PS, limite pour la panification.