Cela pourrait ressembler à du greenwashing... Pourtant, certains groupes agroalimentaires s'efforcent de mettre en place des filières plus respectueuses de l'environnement. C'est le cas du programme Lu'Harmony, qui fédère plus de 1 700 agriculteurs produisant près de 95 % de la farine de blé utilisée par Lu. « Les bandes fleuries ont été intégrées tout de suite à notre charte, explique Elodie Parre, responsable du programme. Après avoir sollicité des experts extérieurs, dont l'association Noé, la sauvegarde de la biodiversité est apparue comme l'un des principaux enjeux. » C'est pourquoi 3 % des surfaces de blé des exploitations impliquées sont consacrés à la mise en place d'une flore locale qui attire et nourrit une grande diversité de pollinisateurs.

LA BIODIVERSITÉ AU MENU

« Cette année, je cultive 16 ha de blé sous contrat avec ma coopérative Noriap, témoigne Jean-Michel Bécue, exploitant à Thézy-Glimont, dans la Somme. La prime compense l'achat des semences des bandes fleuries ainsi que les surfaces non-récoltées. Je les ai semées depuis peu à côté de mes parcelles de blé et le long des chemins ou dans des fourrières. Le mélange comprend six à sept plantes comme du sainfoin, du trèfle d'Alexandrie, de la phacélie ou de la bourrache. » Les pratiques phytosanitaires sont évidemment regardées de près. « Les IFT des blés Lu'Harmony sont en moyenne 20 % moindres que ceux des blés conventionnels produits en France », ajoute Elodie Parre.

Jean-Michel estime que cette action contribue à redonner une meilleure image de l'agriculture : « On montre notre intérêt pour la biodiversité. » Et comme le fait remarquer un de ses amis apiculteurs, Laurent Poncet, les bandes fleuries sont un atout : « La plaine est vide après les récoltes d'été. Ces fleurs sont intéressantes pour compléter le bol alimentaire des abeilles. » Il estime aussi que les traitements de nuit demeurent l'idéal.

Au total en 2014, les surfaces mellifères de cette charte ont représenté 700 ha, soit 4,5 % des surfaces de couvert à intérêt apicole recensées en France (source Réseau biodiversité pour les abeilles). Des espaces qui seraient fréquentés par près de 7 millions d'abeilles et pas moins de 27 espèces de papillons.

LA COOPÉRATION AGRICOLE IMPLIQUÉE

Après avoir constaté en 2011 une carence en pollen et en nectar entre septembre et octobre, période critique pour les abeilles, la Cavac (Vendée) a lancé un projet similaire, fin 2013 pour une durée de trois ans, intitulé « Aménagement paysager et modifications des pratiques agricoles en faveur des pollinisateurs ». Cette fois, un rayon de 3 km a été choisi, le butinage des abeilles s'étendant en moyenne sur cette distance autour d'une ruche. Près de 3 000 ha sont concernés sur les communes de Thiré, Saint-Juire-Champgillon et la Chapelle-Thémer, territoire qui concilie zones bocagères et plaines céréalières. Sont impliqués actuellement dix-huit agriculteurs, deux apiculteurs et une école primaire. La première étape a consisté à mesurer l'offre alimentaire en nectar et pollen et à acquérir des références sur les pollinisateurs. Pour cela, une quarantaine de nichoirs à pollinisateurs sauvages ont été posés et un entomologiste a répertorié les insectes.

Afin de favoriser leur accueil, 150 ha de couverts mellifères (phacélie, sarrasin, centaurée bleuet, bourrache, trèfle incarnat...) devraient être implantés, en 2015, sous forme de cultures intermédiaires ou de bandes fleuries. « L'idée est de créer un habitat favorable à tous les auxiliaires dans les zones délaissées (tournières, passages d'irrigation...) », complète Alexandre Olivaud, de la Cavac. Les équipes de la coopérative seront sensibilisées à une meilleure prise en compte de la biodiversité dans leur conseil auprès des agriculteurs. Enfin, la dernière étape consistera à évaluer l'impact de ces aménagements sur la pollinisation, donc sur les rendements agricoles et les produits du rucher.