- « Le modèle familial basé sur le couple reste viable, à condition de s'agrandir ou de s'intensifier régulièrement pour générer un revenu suffisant pour deux personnes », affirme Joseph Dunphy, 54 ans, finaliste du concours organisé par l'hebdomadaire « Irish Farmers Journal », qui primera la meilleure exploitation familiale du pays en décembre. Avec son épouse, Helen, ils portent leur troupeau laitier de 140 à 220 vaches sur 80 hectares d'herbages dans l'ouest du pays pour mieux le transmettre à l'un de leurs fils, peut-être aux deux.
- Le nombre d'exploitations a cessé de baisser depuis 2000 en Irlande et 99,8 % d'entre elles sont familiales (33 ha en moyenne). Les sociétés capitalistiques sont quasiment absentes du secteur et le regroupement d'exploitations encore marginal. Pour Fiona Thorne, économiste au centre de recherche Teagasc, l'autre aspect de la compétitivité du modèle est lié à des coûts de production très bas, notamment pour le lait. « La majorité de la main-d'oeuvre étant familiale, elle ne pèse pas sur les charges de l'entreprise », assure-t-elle.
- Avec moins de 1 % des terres agricoles vendues chaque année, le marché foncier est atone. « Le père veut souvent garder les rênes jusqu'à 70 ans », regrette Joseph. « Et les aides de la Pac attachées au foncier encouragent les gens à le conserver alors que nos enfants pourraient en profiter », renchérit Helen. Mais Fiona Thorne avertit : « Dans une logique d'expansion, avec la fin des quotas laitiers, les difficultés pour louer ou acheter des terres rendent l'avantage compétitif des fermes irlandaises moins clair. »
- Les exploitations irlandaises sont tributaires de la pluriactivité même si, depuis la crise de 2008, l'emploi disponible hors exploitation a diminué tandis que le revenu agricole augmentait. Un tiers des exploitations est considéré comme « viable » et assure un revenu décent à la famille. Un tiers est « soutenable » grâce à des revenus hors exploitation qui atteignent facilement le double de celui tiré de la production. Une famille d'agriculteurs sur deux compte, en effet, au moins un membre employé à l'extérieur (c'est le cas de 30 % des chefs d'exploitation eux-mêmes). Reste un tiers d'exploitations « vulnérables » : trop petites, trop fragmentées, pas assez modernes, elles ne rémunèrent pas la main-d'oeuvre familiale au niveau du salaire agricole moyen (1 600 € par mois).