« L'enrubanné de fétuque convient pour l'engraissement des taurillons, annonce Mathieu Couffignal, ingénieur régional fourrage chez Arvalis (*). Les performances sont comparables à celles obtenues avec une ration sèche à base de blé. Ce fourrage est une piste supplémentaire pour le rationnement des jeunes bovins dans les exploitations herbagères du grand Massif central, dont le potentiel pour la production de céréales est limité. »
Trois régimes sur les rangs.
Pendant deux ans, la station a comparé trois rations pour l'engraissement de jeunes bovins charolais. Deux étaient basées sur l'enrubanné de fétuque à volonté, complémenté avec du blé (4 kg) et des tourteaux de colza et de tournesol produits chez un agriculteur du secteur. L'autre régime faisait office de témoin. Il était composé de blé à volonté (8 kg en finition) et des mêmes tourteaux gras (1 kg de tournesol et 1 kg de colza).
Concernant les deux régimes herbe, deux itinéraires ont été testés à partir de 540 kg de poids vif, ce qui correspond à environ la moitié de l'engraissement. « Lors d'une campagne d'observation, nous nous étions aperçus que ce régime à base d'enrubanné de fétuque n'était pas assez concentré en énergie pour finir correctement les animaux », souligne Matthieu Couffignal. A partir de 540 kg de poids vif, soit à mi-engraissement, l'un des lots (enrubanné 1) est conduit comme le témoin, tandis que la quantité de blé distribuée à l'autre lot (enrubanné 2) est augmentée de 1 kg/JB/j.
Des croissances autour de 1 600 g par jour.
Pour les trois régimes, les croissances sont conformes aux objectifs et autour de 1 600 g de gain moyen quotidien (GMQ). Les trois lots sont rentrés à 365 kg de poids vif. Ils sont ressortis à 723 kg vif, après 224 jours d'engraissement pour le témoin et l'enrubanné 1. Les animaux du régime « enrubanné 2 » les ont suivis de près, puisqu'ils ont été abattus 7 jours plus tard en moyenne.
Côté croissance, les performances sont de 1 592 g/j pour le témoin, de 1 610 g/j pour l'enrubanné 1 et de 1 557 g pour l'enrubanné 2.
Des performances d'abattage comparables.
« Aucune différence significative n'a été observée au niveau des carcasses à l'abattoir, signale Matthieu Couffignal. Les rendements sont respectivement de 59,1 % pour le lot témoin, de 58,4 % pour l'enrubanné 1 et 58,6 % l'enrubanné 2. Les carcasses sont classées U= pour le témoin et l'enrubanné 2 et U- pour l'enrubanné 1. Les états d'engraissement sont proches, entre 2,5 et 2,7.
Des couleurs de carcasses comparables.
La couleur de la viande et des gras sont comparables d'un régime à l'autre. « Nous n'avons pas observé de "gras jaune" », assure l'ingénieur. Ces carcasses sont en adéquation avec la demande des marchés, notamment grecs et italiens. » C'est la fin d'un tabou sur l'engraissement des animaux à l'herbe. « Lorsque les animaux sont engraissés au pâturage, les carcasses des animaux peuvent en revanche être plus colorées », indique-t-il.
Conduite rigoureuse.
Ces résultats sont conditionnés à un fourrage de qualité (lire ci-dessous). Les transitions alimentaires doivent être progressives. « Cette phase s'effectue en six semaines après le sevrage, indique Matthieu Couffignal. L'augmentation des quantités de blé se fait progressivement, à raison de 1 kg par semaine en deux fois (le lundi et le jeudi). » La surveillance des animaux est primordiale. Ils doivent disposer d'eau propre et d'une place chacun à l'auge. « Au-delà de la transition, l'aliment à volonté ne doit pas être absent plus de 6 heures, sinon les risques d'acidose augmentent, ajoute-t-il. Nous distribuons la ration deux fois par jour. C'est à chaque fois l'occasion de vérifier que les taurillons se lèvent et se déplacent bien jusqu'à l'auge. En distribuant la ration deux fois, les animaux consomment plus. Les croissances sont plus élevées de 30 et 50 g par jour par rapport à une distribution quotidienne. »
Calcul de la marge.
Sur le plan économique et dans le contexte de 2012, le régime enrubanné 2 l'emporte sur les deux autres. La marge dégagée atteint 96 €/animal. Ce calcul intègre les charges opérationnelles, les frais d'élevage et d'entretien, la mortalité et la main-d'oeuvre. Il ne tient pas compte de la mécanisation et des charges liées au bâtiment. La marge des deux autres est inférieure de 30 €/tête environ. « L'intérêt des rations à base d'enrubannage dépend du prix du blé », indique Matthieu Couffignal. En 2012, il cotait 226 €/t. Aujourd'hui à 150 €/t, il souffre moins de la concurrence avec d'autres fourrages.
En 2014, dans de nombreuses régions, la météo a été propice à la réalisation de stocks d'enrubannage précoces. Certaines exploitations peuvent donc avoir l'opportunité de se lancer dans l'engraissement. Les quantités à prévoir pour le régime enrubanné 2 par tête sont : 851 kg de MS de fétuque enrubannée, 1 010 kg brut de blé, 370 kg brut de tourteau de colza, 41 kg de CMV et 18 kg de foin.
(*) Ferme expérimentale Arvalis-Institut du végétal- OIER des Bordes à Jeu-les-Bois, dans l'Indre.