Le couvert végétal favorise la vie biologique des organismes, ce qui influence la structure et les cycles minéraux du sol. Que ce soit au-dessus ou en dessous du compartiment sol, il présente de nombreux intérêts directs ou indirects.

MELANGES MELLIFERES

Depuis quelques années, la chambre d'agriculture de l'Ain tente de faire renouer le dialogue entre agriculteur et apiculteur, à travers l'implantation de couverts composés d'espèces méllifères. Le but étant d'améliorer les ressources pour les abeilles. Plusieurs binômes ont ainsi vu le jour. Michel Coillard, apiculteur professionnel à Domsure, travaille sur les cultures intermédiaires avec un de ses voisins, Jérôme Commaret, poly-culteur-éleveur.

A l'automne, les abeilles doivent constituer des réserves pour l'hiver afin de survivre jusqu'en mars. Sur les 60 hectares que l'agriculteur consacre aux cultures intermédiaires, 15 à 20 ha sont constitués d'un mélange mellifère. « Nous avons débuté notre collaboration en 2008 et obtenu un couvert qui nous convient en 2011 », se remémore l'exploitant. Avec un mélange composé de tournesol, nyger, vesce, radis chinois, phacélie, trèfle d'Alexandrie et parfois de féverole, maïs et soja, il arrive à concilier intérêts agronomiques et apicoles. Quel que soit l'aspect recherché (agronomique ou mellifère), le coût des semences oscille entre 35 et 65 e/ha. Jérôme Commaret n'hésite donc pas à prendre en compte les besoins de son voisin apiculteur.

L'agriculteur recherche un effet restructurant pour éviter de labourer au printemps, un apport d'azote pour la culture suivante et une augmentation du taux de matière organique. Il souhaite également disposer d'un couvert suffisamment épais pour éviter l'invasion des adventices telles que chénopodes ou amarantes (lire l'encadré ci-dessous). Il sème au plus tard fin juillet, après avoir retiré les pailles et apporté du lisier. La floraison des différentes espèces se succède de septembre jusqu'à début novembre, lorsqu'il ne gèle pas.

« Les premiers couverts implantés par Jérôme s'avéraient déjà intéressants car les abeilles étaient plus actives qu'ailleurs », constate Michel Coillard. Depuis, l'apiculteur dépose ses ruches à proximité des parcelles et a constaté avec ces cultures intermédiaires une nette amélioration. Pour les colonies concernées, et en fonction des années, il n'a quasiment pas besoin d'apporter de compléments alimentaires pour passer l'hiver. Les ruches sont également énormément stimulées en termes de pontes car elles ont une nourriture plus abondante et diversifiée grâce au mélange sélectionné par les deux professionnels.

ABRITER LE PETIT GIBIER

Le couvert végétal peut devenir un refuge pour la petite faune. En automne et durant l'hiver, les terres sont nues ou les cultures d'hiver peu développées. Or, les perdrix, les faisans, les lièvres… cherchent à s'abriter des prédateurs et à se nourrir. Dans le cadre du programme Agrifaune, agriculteurs (APCA, FNSEA) et chasseurs (FNC, ONCFS) testent, depuis 2009, différents couverts. « Au début, nous avons essayé la moutarde mais elle asséchait le sol. Sa destruction était onéreuse et avait un impact négatif sur les populations de lièvres. J'ai constitué mon propre mélange à base de radis fourrager, sarrazin, radis chinois, mélilot, vesce, tournesol, sorgho, trèfle, lin, avoine brésilienne, moutarde brune, féverole et pois de printemps afin de jouer sur les deux tableaux, faunistique et agronomique », précise Arnaud Mareschal, agriculteur et chasseur à Perrusse (Haute-Marne). Pour la faune de plaine, il cherche des couverts diversifiés, qui ne montent pas trop haut pour éviter les sangliers. « Depuis que mes cultures intermédiaires sont en place, la population de lièvres s'est accrue. Il n'est pas rare de voir en cette période hivernale une dizaine de chevreuils en pleine journée. Ce mélange, qui structure le sol et apporte de la biodiversité est détruit par le gel. » Pourtant, comme il revient assez cher (100 /ha avec le coût d'implantation compris), Arnaud a décidé de tester pour partie des mélanges labellisés « Agrifaune ».

Partant du constat que la moutarde, espèce majoritairement implantée, a un intérêt très limité seule, plus d'une dizaine de mélanges de la marque « Agrifaune interculture » ont été mis au point. Ils allient les bénéfices cynégétiques, agronomiques, environnementaux, voire économiques. Ainsi, un mélange de céréales et de légumineuses est intéressant pour la perdrix grise qui mange leurs pousses. A ce titre, il est possible d'introduire de l'avoine ou de la vesce, comme dans Chlorofiltre Optimal II de Jouffray-Drillaud ou Structur.Couv de Caussade semences. Quant au sarrasin, présent dans différents mélanges comme Micazin (Soufflet agriculture) ou Agrifaune RVS (Semences de France), il a une floraison qui attire les insectes pollinisateurs. La plante est consommée par le gibier et sa grenaison est bénéfique pour de nombreux oiseaux.

PROTECTION DU SOL

La culture intermédiaire a un impact certain sur la structure du sol. Toutefois, c'est essentiellement son rôle dans la protection de la surface qui est le plus manifeste. Dans ses terres de limon très battantes, Philippe Godefroy, agriculteur au Pin, dans le Calvados, implante de l'avoine associée à du pois ou de la féverole dans les intercultures les plus longues. Le premier mélange est valorisé pour les bêtes (5 t/ha de fourrage à 17 % de MS l'an dernier). L'avoine qui reste ou présente dans l'autre association structure le sol. « Son système racinaire très chevelu et sa végétation protègent les agrégats du sol de l'érosion. J'ai observé une réelle différence en termes de battance depuis que j'implante des couverts en interculture », se remémore l'agriculteur.

Quant au système racinaire pivotant de la féverole, il dispose aussi d'un effet structurant sur le sol. Etant en non-labour, il a aussi observé que les vers de terre remontent à la surface pour se nourrir de matière organique et créent des galeries verticales qui drainent le sol. C'est aussi un élément qui permet de diversifier la communauté microbienne.

CULTURE VIVE DE LUZERNE

L'implantation d'un couvert végétal permanent cohabitant avec la culture principale est également possible. Des agriculteurs ont déjà opté pour ce système. « Je réalise du semis direct sous couvert végétal depuis quatorze ans. Il y a quatre ans, j'ai implanté une culture vive de luzerne en couvert permanent, déclare Hubert Charpentier, agriculteur en Champagne berrichonne. Ensuite, j'y réalise l'ensemble de ma rotation. La luzerne est semée en même temps qu'un colza, pendant la première décade d'août, et sera conservée le plus longtemps possible. En interculture, des traitements herbicides à très faibles doses permettent de la conserver basse. De plus, il est nécessaire de semer son colza très dense (6 kg/ha) pour assurer l'implantation des deux cultures. »

Les couverts de luzerne se montrent parfaitement adaptés aux terrains argilo-calcaires basiques. Sur sol acide, on optera plutôt pour du trèfle blanc. « La luzerne est très intéressante dans mon système car elle possède un bon système racinaire, poursuit l'agriculteur. Il s'installe en profondeur et ne concurrence pas les racines de la culture principale. L'action des racines induit une bonne structure. Quant à sa richesse biologique, elle est très importante. On trouve un très grand nombre de bactéries et un fort taux de mycorrhization. Et en tant que légumineuse vivace, la luzerne fournit de la matière organique au sol par le renouvellement continu de ses organes de réserve. » Cependant, malgré un intérêt indéniable, il est difficile de le quantifier car le semis direct est également pratiqué depuis quatorze ans.

« Ce système est très intéressant pour les agriculteurs ayant des difficultés à implanter un couvert après une culture principale, lors d'années sèches ou sur des sols prenant en masse, par exemple. La luzerne est implantée, c'est donc un gain de temps et de sureté, il n'y a pas besoin de sortir son semoir. »

Enfin, en plus de diminuer les charges de produits phytosanitaires et les apports de phosphore et de potasse, la luzerne permet d'économiser en moyenne 60 à 70 unités d'azote à l'hectare.