Les atouts des cultures intermédiaires ne sont plus à prouver. Cependant, il est parfois difficile pour l'agriculteur de faire son choix. Quoi qu'il en soit, la directive « nitrates » les rend obligatoire dans les zones vulnérables, pendant la période de lessivage des nitrates, en tant que Cipan (cultures intermédiaires pièges à nitrates). Ainsi, les éléments captés par le couvert lors de son développement doivent être pris en compte pour optimiser leur valorisation et devenir intéressants économiquement. Ils réduisent les apports d'éléments minéraux en cas de restitution ou, au contraire, produisent de l'énergie s'il y a exportation.

RESTITUTIONS MINERALES

Plusieurs organismes ont travaillé sur la quantification des éléments restitués par le couvert à la culture suivante. Arvalis recommande d'observer la hauteur, le stade et le volume des couverts pour connaître la biomasse produite (en t/ha de matière sèche). L'institut propose des planches photos de correspondance pour la moutarde blanche, le radis fourrager, la phacélie, les graminées et céréales, les légumineuses et les mélanges. Il suffit de se référer à un tableau (disponible sur www.arvalis-infos.fr) pour connaître les valeurs moyennes de teneurs en azote des parties aériennes (en % de la matière sèche). En multipliant les deux chiffres obtenus entre eux, puis par 10, on obtient la teneur en azote absorbée par le couvert. A titre d'exemple, pour une légumineuse produisant 3 t de MS/ha, la teneur moyenne en azote absorbée par les parties aériennes est de 3 %. Ainsi, 90 kg (3 x 3 x 10) d'azote/ha sont absorbés. Arvalis précise toutefois que seul un tiers de l'azote absorbé par les cultures intermédiaires est en moyenne disponible pour la culture suivante.

Autre possibilité : utiliser l'outil « Merci », pour « méthode d'estimation des éléments restitués par les cultures intermédiaires ». Mis au point par la chambre régionale d'agriculture de Poitou-Charentes, cette méthode s'appuie sur des données extraites d'essais menés depuis 2001 et pendant huit années en Poitou-Charentes. Elle intègre aussi des références obtenues dans différentes chambres d'agriculture françaises. La fiabilité de cette méthode de calcul serait de plus ou moins 15 kg/ha d'azote.

Gaël Goulevant, de l'EARL La Platrelle-au-Chay, en Charente-Maritime, utilise « Merci » depuis trois ans. La veille de la destruction du couvert, il réalise des pesées dans des zones représentatives de ses parcelles. Il entre ensuite le poids moyen de la biomasse espèce par espèce dans le logiciel. « C'est un outil intéressant pour connaître l'azote capté par la biomasse produite », estime-t-il. Ainsi, ses mélanges composés de féverole de ferme, de moutarde ou de colza, produisent plus ou moins de biomasse en fonction des années. L'agriculteur a remarqué que lorsque le couvert n'est pas réussi, l'outil n'est pas vraiment nécessaire. « Avec une biomasse de 0,6 t/ha, 10 unités sont au maximum restituées à la culture suivante », informe-t-il. En revanche, la biomasse peut atteindre jusqu'à 3 t/ha, comme cette année. Cela représente alors entre 40 et 50 unités restituées à la culture suivante. « J'en ai tenu compte pour fertiliser mon maïs grain, indique-t-il. L'apport s'est pour le moment limité à 145 unités d'azote, contre près de 200 unités d'habitude. »

Il se laisse la possibilité d'apporter si besoin une trentaine d'unités supplémentaires. En effet, pour l'azote restitué à la culture suivante, Gaël Goulevant est plus réservé. Il estime que dans leurs sols argilo-calcaires de Champagne, la minéralisation de l'azote nécessite plus de temps puisqu'ils pratiquent le non-labour depuis 1999. Au final, entre les économies d'azote possibles et le coût des semences, il pense être à l'équilibre. « En outre, ces couverts contribuent à l'amélioration de la vie biologique et à l'augmentation du taux de matière organique de nos sols. Ce qui est difficile à estimer économiquement mais important dans notre système », observe l'exploitant.

VALORISATION ÉNERGÉTIQUE

Il est également possible pour l'agriculteur de valoriser économiquement son couvert sous forme d'énergie. Sous la dénomination de Cive, se cachent les cultures intermédiaires à vocation énergétique. Implantées entre deux cultures principales, la biomasse produite sera valorisée comme cosubstrat énergétique pour l'alimentation d'un méthaniseur. Ainsi, ces cultures couvrent et piègent les nitrates tout en produisant de la matière sèche, sans entrer en concurrence avec la production alimentaire. Elles présentent les mêmes caractéristiques que les Cipan, mais l'on va chercher à maximiser le temps de culture pour produire plus de matière sèche à l'hectare. « Lorsque l'on implante une Cipan, nous sommes en moyenne sur une production de 2 tonnes de MS/ha, déclare Sylvain Marsac, ingénieur chez Arvalis, chargé du programme Cibiom (ayant pour but d'évaluer l'intérêt technico-économique et environnemental des Cive*). D'après nos expérimentations, avec les Cive, la production moyenne est de 6 à 7 tonnes de MS/ha, selon la zone de production. » La quantité de matière produite est très importante et va déterminer la rentabilité de la production. Ainsi, il est nécessaire de mettre en place une fertilisation équilibrée, qui peut varier de 100 à 150 unités d'azote, selon les besoins de l'espèce ou associations d'espèces, et le contexte pédoclimatique. Quant aux traitements phytosanitaires, ils sont très faibles, voire nuls.

LE CHOIX DE LA CIVE DEPEND DE LA SUCCESSION CULTURALE

« L'intégration des Cive durant l'interculture s'inscrit dans une logique de trois cultures en deux ans, poursuit l'ingénieur d'Arvalis. Le choix de la Cive dépend avant tout de la succession culturale. C'est le principal facteur de réussite et il permet de minimiser les risques. » Les espèces candidates sont nombreuses. Elles doivent produire une quantité importante de biomasse rapidement et présenter un fort pouvoir méthanogène. Concernant celui-ci, « le programme Cibiom n'a pas permis de mettre en évidence de réelles différences entre les espèces », déclare Sylvain Marsac.

On distingue deux types de Cive, selon la disponibilité des sols pendant la période d'interculture. Celles à cycle végétatif court (3 à 4 mois) et celles à cycle long (5 à 9 mois). On peut citer, d'un côté, le sorgho et le maïs et, de l'autre, des céréales parfois associées à des légumineuses, qui seront récoltées immatures.

« Il n'existe pas de solution type, le choix de l'interculture est dépendant du territoire considéré, remarque l'ingénieur. Par ailleurs, des réflexions sont requises en matière de travail du sol dans cette séquence de trois cultures, sachant qu'il faut réduire le temps entre chaque afin de maximiser les périodes culturales. Toutefois, il est important de ne pas impacter la production alimentaire des deux cultures principales. »