Des vaches boiteuses, nous en avons toujours vu dans le troupeau, se souvient Cédric Henry, en Gaec avec cinq associés à Paimpont (Ille-et-Vilaine). Nous savions que la maladie de Mortellaro était présente depuis longtemps, les pareurs qui venaient une fois par an nous l'avaient signalée. L'an dernier, la situation s'est dégradée. A l'automne, une quinzaine de laitières présentaient des gros jarrets (tarsites) et cinq boitaient sérieusement. J'ai fini par appeler le GDS. »
Le vétérinaire du GDS, Thomas Aubineau, effectue une première visite en décembre, épaulé par un technicien. Ils examinent les pieds des vaches pendant la traite, font le tour du bâtiment, évaluent le confort du couchage. Ils confirment des cas de Mortellaro sur 25 % du troupeau et proposent un protocole de soins : une pulvérisation d'huiles essentielles d'aloe vera après nettoyage des pattes, deux jours tous les 15 jours. Mauvaise surprise pour Cédric et ses associés : « Pendant la visite, nous nous sommes aperçus qu'il existait aussi d'autres problèmes plus sérieux », souligne Thomas Aubineau.
Dans la foulée, le pareur, Sylvain Thomas, passe sur l'élevage. Il décrit toutes les lésions. Diagnostic : trois pathologies majeures sont identifiées. Si seulement 5 % des vaches présentent encore des lésions dues à Mortellaro (contre 25 % avant la mise en place du protocole), trois quarts souffrent de blessures qui évoquent la fourbure ou le fourchet : érosion du talon, bleimes, cerises... Ces lésions ont favorisé le développement de la dermatite digitée. Par ailleurs, 5 à 10 % des vaches présentent des tarsites provoquées par des chocs ou des frottements.
LE COUCHAGE INCRIMINÉ
« Nous avons vite écarté la sub-acidose comme cause de fourbure car les vaches ruminent correctement et la ration est équilibrée, récapitule Thomas Aubineau. Nous nous sommes concentrés sur le bâtiment. » Le confort du couchage est suspecté, d'autant que le taux de vaches couchées (40 %) est trop faible. La stabulation des 140 prim'holsteins est équipée de 136 logettes en « système lisier ». « Le troupeau a augmenté de 25 à 30 têtes depuis 2006, date de mon installation, lorsque le quota est passé de 900 000 l à 1,2 million de litres, détaille Cédric. Le bâtiment est saturé. Les vaches sont plus serrées, elles restent plus longtemps debout. » Les tapis, épais de 3 cm, sont trop minces et trop rigides pour un confort correct. « Il faudrait 2 kg de paille par logette. Or nous en mettons 0,5 kg, pas plus, sinon le lisier est trop pailleux et bouche la pompe de transfert vers la fosse. » Il faut donc remplacer ces tapis par des matelas de 6 cm d'épaisseur. Toujours sur les logettes, Thomas Aubineau estime que la barre au garrot est trop basse et trop peu avancée, ce qui peut compliquer le couchage et le relevé des vaches. Les associés tentent d'avancer la barre au cou de 10 cm sur une rangée de logettes, sans constater d'amélioration tangible.
Par ailleurs, les sols de la stabulation et des logettes sont humides, ce qui favorise le développement du fourchet et de Mortellaro. Le système lisier n'est pas seul en cause. Le vétérinaire soupçonne un manque de ventilation du bâtiment et suggère de réaliser un diagnostic d'ambiance. Il note également un taux élevé de primipares parmi les boiteuses. L'explication probable est l'absence de transition entre deux logements. Les génisses passent directement d'une aire paillée à des logettes après leur vêlage. D'autres pratiques d'élevage peuvent accentuer les problèmes de fourbure, comme un temps de traite déjà long, suivi d'un temps de blocage au cornadis pendant une heure destiné à limiter les risques de mammites.
DIAGNOSTIC COMPLIQUÉ
Le pareur revient début avril pour soigner une dizaine de vaches. « Il y avait encore des bleimes, deux ou trois cerises, une ouverture de la ligne blanche et une seule dermatite, soupire Cédric. La boiterie n'est pas une pathologie simple : il y a souvent une incertitude sur l'identification de la maladie, ce qui complique le choix de solutions adaptées. » « Souvent, les lésions ne sont pas spécifiques d'une maladie, confirme Thomas Aubineau. En outre, elles peuvent être la conséquence d'autres lésions. »
« Nous traitons les symptômes mais les boiteries reviennent ! Il faut en trouver les causes, insiste Cédric. L'audit du GDS nous aide à y voir plus clair. » Le diagnostic reste compliqué. « Des lésions dues au fourchet, en particulier l'érosion du talon, peuvent entraîner l'apparition de bleimes et de cerises, qui sont aussi typiques de la fourbure. Au Gaec Brocéliande, le confort du couchage est probablement le point de départ, puis tout s'enchaîne : la fourbure et le fourchet apparaissent. Avec l'érosion du talon (fourchet), le pied est davantage en contact avec les sols humides et souillés, favorisant les maladies infectieuses comme Mortellaro. » Une dernière visite aura lieu après la pose des nouveaux matelas et l'aménagement des logettes, afin d'évaluer l'amélioration de la situation.