«Qu'on soit en couple ou non, la quantité de travail à fournir est toujours à remettre en question. Et les priorités des associés à redéfinir », estime Anne Storrer. « Avec le temps, les contraintes physiques se font plus durement ressentir », renchérit Eric Renaud, son mari, 53 ans. Ils sont en SCEA sur une exploitation de polyculture-élevage en Bresse de l'Ain. Ils disposent d'un quota laitier de 400 000 litres sur une centaine d'hectares. Ils ont ouvert un gîte rural en 1997.

ABANDONNER SIX HECTARES

Fin 2011, alors que le troupeau compte soixante laitières, les conjoints concilient de plus en plus difficilement les différentes facettes de leur vie. Ils veulent optimiser leur outil de travail et libérer du temps pour les activités extérieures. Maire-adjoint de sa commune, Eric est aussi président du comité de jumelage franco-allemand. Anne s'est engagée dans la liste « Autrement » lors des dernières élections chambre d'agriculture dans l'Ain. Les initiatives qu'ils ont prises depuis 2001, que ce soit l'adhésion à un groupement d'employeurs et l'introduction du pâturage en plat unique d'avril à juillet, ne suffisent plus.

Eric sollicite l'Afocg, l'association de gestion et de comptabilité, partenaire de l'exploitation. Pendant deux jours, avec des agriculteurs adhérents et une animatrice, Anne et Eric vont mettre à plat leurs interrogations, partager leurs doutes et chiffrer plusieurs hypothèses. Avant de prendre des décisions : le nombre de vaches est réduit de 60 à 45 ; six hectares excentrés sont loués à un voisin. « L'année suivante, nous avons confié les semis d'engrais sur 65 ha à une entreprise de travaux agricoles : elle a travaillé 6 h 45, facturées 59 euros de l'heure. Les traitements phytosanitaires sur 50 ha de céréales ont été sous-traités pour un montant de 1 560 euros. Enfin, les semis de maïs ont été confiés à la Cuma. Ça nous a coûté 93 euros de l'heure. »

LES FREINS DANS LA TÊTE

Parents de trois grands enfants (17, 19 et 22 ans), le couple était prêt à assumer une baisse de revenu. Finalement, la conjoncture favorable aux céréales, la conversion d'hectares de fourrage en maïs grain, la réduction d'une partie des charges ont compensé le manque à gagner. Une ancienne stagiaire a même été embauchée à mi-temps pour la traite du soir. « Il fallait passer par cette formation pour qu'Eric accepte de laisser les six hectares », estime Anne. « Ce n'est pas dans l'habitude des agriculteurs de lâcher du terrain. Et ces six hectares appartenaient à mes parents », analyse Eric, qui calcule qu'ils ont encore une douzaine d'années avant la retraite.

Travailler en couple est un atout. Selon Eric, Anne « moins impliquée techniquement dans l'exploitation, car plus tournée vers l'économie et le social, a moins le nez dans le guidon que moi. Chaque investissement, qu'il s'agisse d'un godet désileur à 6 000 euros ou de la réfection d'une toiture, est discuté. L'argumentation est plus complète. »