« Faire entrer l'agriculture française dans le troisième millénaire », telle est l'ambition de Stéphane Le Foll. Il entend « favoriser les transitions vers des systèmes visant la double performance économique et écologique, en s'appuyant sur les preuves par l'action des pionniers et sur la recherche ».

Marion Guillou, l'ancienne PDG de l'Inra, aujourd'hui présidente d'Agreenium (1), a été chargée de cet inventaire des bonnes pratiques. Elle a remis son rapport le 11 juin : 35 systèmes ont été identifiés par les chercheurs et 203 pratiques relevées chez les agriculteurs.

« Nous pouvons maintenant démontrer que ce qu'on gagne en terme écologique, on le gagne aussi en terme économique », a déclaré Stéphane Le Foll. Il reste à créer une dynamique collective sur le terrain.

165 pages de recommandations

Marion Guillou a remis au ministre 165 pages de recommandations qui bouleversent l'ordre établi. Cela implique de revoir les programmes d'enseignement agricole, de former de nouveau les professeurs mais aussi les milliers de conseillers techniques, de mettre en place des formations professionnelles pour les agriculteurs ou encore d'adapter les filières afin d'assurer des débouchés aux nouvelles productions...

« Cela demandera du temps et énormément de travail, reconnaît le ministre, qui promet un passage en douceur à l'ère de l'agroécologie. On ne parle pas de normes ou de fiscalité, mais de mécanismes incitatifs. »

« Beaucoup n'osent pas passer le cap car ils subiraient une perte de récolte de 25 à 30 % les cinq premières années », a-t-il reconnu. Souvent, cela nécessite aussi des investissements.

Inciter, regrouper

« Pour les inciter, il faut leur dire de se regrouper, a-t-il repris. On leur mettra à disposition des moyens techniques (experts, produits de la recherche...) qui faciliteront ce transfert de connaissance. Et on mettra des moyens financiers à disposition, mais ce ne sera pas l'essentiel. »

Le ministre a précisé qu'on ne sera « pas dans la logique des CTE, où on met en pratique une mesure cinq ans et on arrête ».

MAE « système »

L'idée est de mettre en place des MAE « système » et de réserver l'aide à des agriculteurs réunis autour d'une démarche agroécologique, par exemple sous l'égide d'un GIEE (groupement d'intérêt économique et écologique).

Au final, l'aide sera bien versée à l'hectare et à l'agriculteur, mais elle valorisera les démarches collectives à long terme. Ces démarches certifiées ou labellisées donneront également accès à un « chèque conseil », autrement dit un accompagnement technique et juridique par un conseiller lui aussi labellisé « agroécologie ».

Adaptation des certificats d'économie d'énergie aux phytos

Une autre recommandation du rapport a retenu l'attention de Stéphane Le Foll : l'adaptation des certificats d'économie d'énergie aux produits phytosanitaires, pour impliquer les distributeurs dans la réduction de leurs usages (30 % en six ans).

« Si le vendeur vend aussi une méthode d'économie de produits, ce sera plus efficace pour faire changer les comportements et il pourra en contrepartie vendre ces certificats d'économie à d'autres opérateurs. »

Toutes ces propositions doivent faire l'objet de débats pour être intégrées dans la future loi agricole qui sera discutée au Parlement au premier semestre de 2014.

« Nous devons prendre le temps », a déclaré Stéphane Le Foll en réponse aux syndicats, qui dénoncent un simulacre de concertation pour une loi qui se dit d'avenir.

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(1) Etablissement public de coopération scientifique.

Exemples de pratiques

En grandes cultures, les pratiques élémentaires mises en oeuvre consistent à couvrir le sol via l'implantation de cultures intermédiaires à fonction agroécologique ou à préserver la ressource en eau via l'adaptation de l'ordre des cultures au piégeage de nitrates. En élevage, elles peuvent consister à améliorer la robustesse des animaux sans affecter l'indice de consommation en production de viande.