Pour Claude Charon, éleveur à Ruillé-le-Gravelais, en Mayenne, il faut savoir abandonner un puits lorsque la qualité de l'eau s'est détériorée. L'impact sur la santé animale n'est pas facile à mesurer mais les analyses pointent les risques. L'eau de son ancien puits était devenue impropre à la consommation, tant pour l'exploitation (170 bovins lait et viande, 700 porcs du postsevrage à l'engraissement) que pour la maison. « Elle avait changé de couleur et n'était plus limpide, indique Claude. Ma femme, Annick, achetait de plus en plus d'eau en bouteilles pour notre consommation afin d'éviter les problèmes digestifs. »
Le 24 mai 2012, les époux prennent contact avec Loïc Fulbert, du Groupement de défense sanitaire, expert en qualité de l'eau depuis plus de vingt ans. Il pose un premier diagnostic début juin, confirmé par une analyse complète : « Celle-ci portait sur une douzaine de critères au lieu des deux retenus dans la Charte de bonnes pratiques. Pour 70 €, elle nous a permis de confirmer ce que nous craignions », se souvient Claude. Placé tout près d'un étang aménagé et même si, lors de sa construction en 1959, l'ancien puits avait été busé, il n'était plus protégé des infiltrations. A la couleur de l'eau, s'ajoutait un taux très élevé en nitrites, signe d'une forte contamination par des matières organiques en évolution. A 0,363 g/l, la concentration en nitrites était 36 fois plus haute que la norme de potabilité, et celle en matière organique dépassait la fourchette admissible.
Là où le puits était placé, le protéger de nouveau paraissait quasiment impossible : il a fallu trouver une autre source d'approvisionnement. « Nous avons besoin de 9 à 11 m3 par jour avec une pointe de 16 m3 lors du lavage par exemple, indique Claude. Et nous souhaitions conserver notre autonomie. » Restaient deux solutions : un forage, mais la zone impose une déferisation coûteuse en raison de la nature du sous-sol (schistes), ou un puits traditionnel. Solution finalement retenue car il était possible de récupérer la pompe et le matériel de raccordement de l'ancien puits. La présence de sources à faible profondeur était par ailleurs déjà attestée dans une parcelle enherbée proche des bâtiments. Cette dernière avait nécessité le drainage d'une mouillère il y a plus de ving-cinq ans.
RESPECTER LE TERRAIN
« Même si ce drainage avait fait disparaître les plantes indicatrices comme la prêle, la logique hydrogéologique permettait d'identifier une zone favorable en amont de la mouillère et d'estimer le débit compatible avec les besoins de l'exploitation », détaille Loïc Fulbert. La détection sourcière confirme la localisation et la construction de ce nouveau puits se décide après confirmation de la qualité de l'eau en sortie du drain. « Nous avons fait appel à un entrepreneur de travaux publics qui a suivi les conseils de Loïc Fulbert, explique Claude. Il faut en effet détruire le moins possible le terrain naturel autour du puits car il protège la source. » La construction du puits a lieu en septembre, quand la nappe est basse car un chantier à fort débit peut devenir dangereux.
L'eau est là, comme prévu, à 6,50 m de profondeur. Une fois la première buse posée, les autres sont montées en prévoyant le trop plein. Puis les matériaux sont placés autour d'elles : d'abord une épaisseur filtrante de graviers calibrés (40/60 mm), puis un géotextile, 20 à 30 cm de sable et un second géotextile avant de terminer par la terre sortie par la pelleteuse. « Il faut bien positionner les géotextiles pour qu'ils séparent les couches sur toute la largeur et conserver les matériaux en couches lors de l'extraction afin de les replacer selon leur fonction », ajoute Loïc Fulbert. Avant la mise en service, il recommande deux désinfections successives. « Je conserve la parcelle en herbe car le feutre végétal des racines va servir de filtre naturel et tout l'amont de la source ne reçoit ni traitement ni fumure afin d'éviter toute contamination », complète Claude. L'alimentation électrique de la pompe a été enterrée lors de la construction, avec un passage pour électrifier la clôture de protection autour du puits. « Depuis sa mise en service, nous avons cessé toute chloration, même pour les porcs », conclut Annick Charon. Et les analyses sont excellentes. Pour un budget raisonnable : une journée de pelleteuse, les matériaux et les matériels pour le raccordement, compteur compris, pour 4 420 € HT.